quickly, quickly (en minuscule) est le projet de Graham Jonson, artiste originaire de Portland dans l'Oregon qui a déjà tout du petit génie multipliant les casquettes musicales et contrôlant tout de A à Z en pur autodidacte, y compris la plupart des instruments qu'il maîtrise à la perfection. Après quelques EPs et un excellent premier véritable album lorgnant savoureusement du côté de la nu-soul, de l'électro et du hip-hop (The Long and Short of It, 2021), Graham Jonson emprunte cette fois-ci le chemin de la folk avec une aisance exemplaire et nous offre une collection de chansons homemade ne se laissant pas si facilement amadouer.
En effet, le morceau éponyme en trois actes ouvrant ce nouvel album fait d'abord un peu peur par sa dégaine foutraque et son absence de cohésion, elle donne finalement le "la" de ce que l'on va traverser par la suite, non sans encombre. La casquette de beatmaker de Graham Jonson est ici remplacée par celle d'auteur compositeur interprète, et se substitue à l'ambiance chill de ses précédentes œuvres (Over Skies) une musique méandreuse dans laquelle se télescopent plusieurs références américaines que l'on ne peut qu'approuver. Des vents contraires soufflent alors sur ce I Heard That Noise évoquant autant les mélodies sirupeuses de Sufjan Stevens (un autre control freak tiens) que la folk plus hirsute de Mount Eerie (Phil Elverum) tout en passant par la pop aux arrangements soignés du canadien Andy Shauf.
Les chansons de quickly, quickly sont certes sinueuses et décousues, certaines semblent même contenir en elles des fragments de compositions inabouties, un art savant du montage bricolo qui est généralement une façon malicieuse d'esquiver par la forme un manque parfois considérable de fond, à commencer par le songwriting. Ce n'est heureusement pas le cas de ce I Heard That Noise brillant de mille feux et laissant transparaître par bribes un réel sens de la mélodie allant jusqu'à convoquer la mélancolie douce et l'écriture affûtée d'Elliott Smith, ce qui n'est pas rien. Mi-acoustique, mi-électrique, l'album révèle sa consistance au fil des écoutes et nous stimule d'un bout à l'autre en faisant éclore sous sa forme azimutée des chansons marquées par une magnifique sensibilité. On se laisse alors guider jusqu'à son long final psychédélique nous envoyant sur orbite.
Au vu du changement de style qu'il y a eu entre le précédent album de quickly, quickly et celui-ci, on ne sait pas vraiment sur quelle nouvelle planète sonore il va nous faire atterrir la prochaine fois... Mais au vu de son talent, on lui fait entièrement confiance.
Chroniqué par
Romain
le 30/04/2025