Ekler'O' Shock, c'est quoi, Ekler'O' Shock, c'est qui ?
Ekler'o'shock, c'est une structure née en 2002, avec aux commandes Matthieu Gazier et Clément Debève. Matt, aka Buzz l'Ekler, pilote l'artistique, la promotion et la production. Clément, lui, est notre sauveur. Il gère l'organisation des soirées, la logistique, fait des sourires aux mignonnes, et tout un tas de choses. On devrait lui offrir le trophée lastminute.com de la débrouillardise. Ensuite il y a une équipe périphérique de gens impliqués dans le label, les artistes bien sûr, qui produisent également des clips dans le cas de TdBt (The deBug Tentative) et Xerak, mais aussi le graphiste et webdesigner Lansy aka Secretlab où notre équipe féminine de scénographie LNKO qui avait par exemple redécoré aux couleurs de l'artwork de Carpal Tunnel tout une maison à Paris pour accueillir Kid Koala.
Ekler'O' Shock affiche t'elle une orientation musicale en particulier ou au contraire se réclame t'elle d'une volonté d'éclectisme total ?
Je dirai que nous fonctionnons plus au projet et à l'affinité artistique qu'au développement d'un style propre. Nous ne souhaitons pas nous positionner sur un unique genre, mais plutôt avoir la possibilité d'évoluer là où bon nous semble, tout en gardant une toile de fond electro / electrohiphop assez présente. Quand tu observes des labels comme Beggars, K7 ou Ninja, avec des approches respectivement Punk, Electronique et Leftfield/ Breaks, tu constates que ces gens ont su passer outre les limites imposées de leurs genres de prédilection pour signer des artistes vraiment marquants. Si l'on doit nommer des genres que nous affectionnons à l'heure actuelle, alors disons que nous souhaitons croiser l'electronique avec le hip-hop, la videogame music, les soundtracks, la pop ou le punk.
Enfin, nous souhaitons à terme développer des activités de sound design et de composition pour le cinéma ou le théâtre par exemple. Manolo, dj maison et crate digger averti, a ainsi réalisé des bandes sons pour la marque Hermès, pour une pièce de théâtre revisitant Pierrot Le Fou, et travaille actuellement sur un projet de B.O pour un film français. Xerak de son côté à réalisé un clip pour un titre du prochain album d'Electroménager, et co-réalisé avec moi la bande son du défilé d'un jeune créateur japonais présenté cette année au Palais de Tokyo.
Les différents artistes présents sur la structure (The deBug Tentative, APSCI ou Xerak) semblent relativement loin des chemins balisés d'un style ou d'un autre : est ce là une " marque de fabrique " affichée du label, une réelle volonté de défricher, expérimenter et faire partager une " nouvelle " façon de faire de la musique ?
Nous souhaitons véritablement faire émerger des artistes auxquels nous croyons, avec une politique de développement. Effectivement, nous aimons les artistes un peu hors normes, mais tout ça est très relatif. Dizee (NDLR : Rascall) est hors normes pour beaucoup de gens, et pourtant il a énormément vendu et remporté le Mercury Prize. Alors bon, je me dis que les normes en musique, c'est un peu illusoire. La qualité et l'originalité priment avant le style. Xerak serait à placer entre Costes pour son côté provoc' et des artistes comme Jean-Jacques Perrey ou les gens de la chiptune, de Micromusic par exemple, pour son approche ludique de la musique électronique. Quant à Tdbt ou Manolo, ils s'insèrent plus volontiers dans des courants déjà établis.
Quelle a été ta motivation première dans la mise en place de cette structure ? Quelle est la volonté qui soutient ce projet ?
Notre motivation première est le développement d'artistes. Nous devons nous positionner comme leurs représentants, et pas l'inverse. Nous aimons sortir de beaux disques, et apportons un véritable souci à l'ensemble de la réalisation, sonore, visuelle et graphique. A terme, comme je te le disais, nous souhaitons développer une activité de composition et de design sonore pour le cinéma, le théâtre, la danse ou la mode.
Tout en gardant l'activité première d'Ekler'o'shock, celle d'un label à vocation internationale dans les sphères électro et electro hiphop, qui est économiquement peu rentable, nous tendons à trouver d'autres voies d'expansion pour pouvoir asseoir financièrement la structure, et donc sortir encore pleins de disques, avec toujours plus de challenge ! ! !
Selon quels critères (s'il y en a) décides tu de retenir ou pas un groupe ? Y'a-t-il un aspect primordial que tu souhaites retrouver chez chacun d'entre eux ?
Le critère " discriminatoire " s'il en est un, reste la qualité de la production. Il est essentiel, étant donné le caractère quasi bénévole de la structure, d'avoir des artistes autonomes et professionnels en terme de production musicale. Tu peux être lo-fi aujourd'hui et très bien produire tes morceaux, le meilleur exemple pour moi serait Clouddead. A l'inverse tu peux être adepte du maximalisme, du recours permanent aux machines, aux effets, et ne pas t'en sortir pour produire un mix destiné à un mastering vinyl. On doit avoir des vrais musiciens, professionnels et avertis.
Ensuite, je dirai qu'il s'agit d'une combinaison entre l'originalité musicale, l'engagement et la volonté de développer un vrai projet musical, les qualités humaines de l'artiste, et son investissement dans la musique. Nous souhaitons aussi travailler avec des artistes pluridisciplinaires. TdBt sont des passionnés de vidéo et graphistes, Xerak développe son projet sous tous les angles : jeux vidéos, clips flash, fabrication…
Avec APSCI, trio New Yorkais auteur d'un excellent EP (" Tirade Highway "), EOS s'affiche comme une valeur montante au sein des différents labels de l'hexagone. Comment une telle signature s'est elle passée ?
APSCI m'ont contacté en avril/mai 2003, on a organisé un premier concert avec eux et Mike Ladd qui les connaissait bien (NDLR : Dana, la chanteuse d'APSCI, a participé à plusieurs projets de Mike dont Infesticons, Vernacular Homicide…) en juillet 2003 à la Guinguette pirate à Paris, on a écouté du son, échangé, et décidé de partir sur un premier maxi ensemble. La connexion s'est faîte très naturellement, Ra et Dana forment un couple mortel, très ouvert, et leur background respectifs leur apportent une vraie originalité.
Quel est ton avis sur le paysage musical français actuel en général ?
Je trouve que malgré le marasme qu'on souhaite prêter à la musique en ce moment, la création est très riche et qu'on a de quoi être fier en France de nos diverses scènes. Nous avons de très bons labels, qui signent de très bons artistes, je pense à des gens comme Ark, Readymade FC, TTC, les Troublemakers, Garnier, qui reste un modèle de référence, Domotic, Ezekiel, dDamage, Dj Géro, les Svinkels … et pleins d'autres que j'oublie.
Toutefois, je pense que le niveau général de culture musicale demeure très faible chez nous. Ici on ne récompense pas Dizee mais Kyo, on parle de l'electro hip hop comme quelque chose de nouveau voire d'étrange et on vit encore dans le mythe de Johnny. En Angleterre, on vend des maxis comme ici des baguettes, la presse est plus pointue, et ca foisonne constamment.
D'un point de vue économique, je pense que l'electro n'intéresse plus les majors, en tout cas leurs filiales hexagonales, qui épongent encore leur excès post-french touch. C'est tant mieux, les indés ont toujours eu une vivacité et une rapidité qui font avancer les courants émergents et donnent une plus grande liberté d'expression aux artistes. Simplement les indés en France, malgré un soutien très louable des pouvoirs publics, restent très vulnérables financièrement. J'espère juste qu'en France ils continueront à s'investir autant qu'aujourd'hui.
Y'a-t-il un groupe que tu aurais par-dessus tout aimé signer ?
Amon Tobin. Je suis fan d'Amon, ce mec est un génie pour moi, il a inventé un son à la fois mélodique, référencé, futuriste, et très complexe. J'aime beaucoup ce que font des mecs comme Tom Jenkinson (aka Squarepusher) ou les gens d'Autechre, mais honnêtement, même s'ils sont très avancés dans leurs techniques de production, j'ai du mal à m'écouter un Ultra visitor ou un Chiastic slide avant de dormir ou pour chiller le dimanche. Alors que Permutation ou Bricolage… !
Sinon j'aurai adoré signer Kid koala et Jimmy Luxury.
Quelles sont les prochaines sorties et signatures du label ?
L'album d'APSCI, un EP vinyl de Crunc Tesla (Beatmaker et emcee New yorkais, également dj de Tes sous le pseudo dj Raedawn), une compilation Cd de Chiptune vs. Hip-hop, l'album de Xerak, des séries de Mixes sur CD, et notre bien aimée compilation UnexpektHeadz avec son court métrage…
