On pourrait appeler ça le syndrome du retour au source, le back to base syndrome. Celui-ci touche la plupart des groupes ou artistes n'ayant plus rien à prouver à une période tardive de leurs carrières, et succède souvent un cycle de recherches et de remise en question. Que ce soit Sonic Youth avec Rather Ripped, Radiohead avec In Rainbows, Yo La Tengo avec Fade ou encore PJ Harvey avec Uh Huh Her, tous ceux-là ont livré chacuns à leur manière cette fameuse oeuvre qui évacue toutes boursouflures potentielles, qui retire toute matière superflue à leur musique pour n'en garder que la substantifique moëlle. C'est aussi une façon pour eux de faire le point et de savoir ce que vaut réellement leur propre musique ainsi mise à nu. Voilà ce que propose magistralement Wilco aujourd'hui avec Star Wars.
Après être passé par la case "expérimentations" (le chef d'oeuvre Yankee Hotel Foxtrot et le semi chef d'oeuvre A Ghost is Born), par la case "classic rock de grande classe" (Sky Blue Sky) et par la case "synthèse compilatoire des deux dernières" (Wilco (the album) mais surtout l'excellent The Whole Love en 2011), Wilco revient ici à quelque chose de dépouillé. Par la courte durée de ces nouveaux morceaux et le timbre sonore plus brut qui se dégage, Star Wars se joue en effet dans l'épure et la concision. De quoi entendre au plus près battre le coeur de la pop faussement simpliste mais au fond diablement sophistiquée des américains.
Ce coeur, on l'entendra battre la chamade dès l'introduction quasi no-wave qu'offre l'album (EKG, abréviation d'électrocardiogramme, justement), il révèlera le pouls élevé d'un album qui va vouloir donner tout ce qu'il a, le faire vite et bien avec une volonté d'en découdre. Il y a dans ce geste une authenticité presque punk dans l'âme que l'on imagine entièrement sincère. S'en suit alors des chansons aux riffs extrêmement basiques que le groupe sait toujours autant transcender (More, Pickled Ginger, le binôme Cold Slope/ King of You), des perles pop enguirlandées dont le groupe a le secret (Taste the Ceiling, Where do I Begin, la beatlesienne Magnetized finale) ou encore des crescendos soniques hautement addictifs (la tourbillonante You Satellite et Random Name Generator).
La sublime Magnetized donne peut-être in fine le mot clé pour éclaircir au mieux ce que l'on aime tant chez Wilco. Leur musique est magnétique tout simplement, elle nous magnétise à nos dépens, c'est-à-dire elle nous attire irrémédiablement, et surtout elle séduit dans ces moindres recoins. Qu'elle déverse un rock effréné ou qu'elle dévoile la beauté subtile de ses compositions, leur musique nous magnétisera toujours. Ce magnétisme repose aussi sur leurs talents conjoints de musiciens confirmés car sous leurs airs de ne pas y toucher, une pure maîtrise de tous les éléments se fait clairement ressentir. Ce Star Wars sans fioriture est clairement porté par un grand groupe de rock qui ne se repose pas sur ses lauriers et qui, ici plus que jamais, reste en symbiose parfaite. Wilco apparaît ici motivé par deux volontés très précises qu'ils souhaitent faire passer avant les autres: se faire plaisir et donner du plaisir. Ça promet pour la suite.
Chroniqué par
Romain
le 03/08/2015