Un peu à contre-courant, en décalage avec l’époque, le label italien 
Schema Records a décidé de remettre à l’honneur le jazz électrique et/ou assisté par ordinateur, avec cette compilation qui se situe dans la droite ligne d’un groupe comme 
The Cinematic Orchestra. Pour situer rapidement. C’est-à-dire qu’il s’agit moins d’électro-jazz que d’un jazz organique et charnel aidé des moyens de production contemporains.
Le titre, programmatique, affiche d’emblée la couleur : référence à un titre composé par 
Eddie Harris, popularisé par 
Herbie Hancock, emblème du jazz-rock, ce nom promet une compilation qui se place sous le signe de la période électrique de Miles et d’Herbie dans les 70’s, gorgée de gammes modales, de libertés rythmiques et surtout, bourrée de Fender Rhodes jusqu’à la gueule (les amateurs en seront reconnaissants !) mais pas seulement. Se côtoient ici également titres d’obédience latine (
My Love Samba par 
Luis Ferri, où l’on entend une voix féminine répéter « 
This is the place I want to be »), hard-bop avec des rythmiques musclées ou tribales en avant du mix, ou encore davantage bebop, avec quelques incursions bienvenues au vibraphone dans la veine du 
Modern Jazz Quartet. Et puis, parfois, des improvisations rythmiques et des élans modaux, des fracassements de batterie soudain plus libres, moins dansantes et plus agressives, que n’aurait pas renié 
McCoy Tyner (
Circus in C Minor par 
Paolo Fredreghini et 
Marco Bianchi) : ce sont sûrement de tels morceaux qui convainquent le plus.
Cette compilation se place donc avant tout dans le sillage des grands mouvements ou noms du passé, sans nostalgie mais avec une reconnaissance de dette à l’égard des héritages. Ce qui n’interdit pas une volonté d’actualiser ceux-ci et surtout, de dessiner, à l’échelle de la compilation elle-même, une carte globale du jazz et de son histoire qui irait du 
Modern Jazz Quartet au 
Cinematic Orchestra en passant par 
Birth of the Cool, 
Giant Steps, 
In A Silent Way, le hard bop et le jazz rock. Tout cela en Italie que nous n’associerons pas, pour une fois, à l’eurodance. Le 
free reste tout de même à la porte d’entrée, c’est un peu dommage, mais il aurait peut-être entamé la cohérence du projet, tour à tour atmosphérique (
Stars par 
The Dining Rooms), dansant (
Gica's Dance par 
Gerardo Frisina), mélancolique (
Some Kind Of Blues par 
S-Tone Inc) ou plus musclé. Les Italiens n’ont pas peur de varier les plaisirs et le font avec une certaine gourmandise. Avis aux amateurs.
	
	
		Chroniqué par 
		Mathias		
		le 21/11/2005