Le second album de ce quatuor originaire de Manchester devrait faire parler de lui, et c'est tant mieux.
Pain To Power ne prétend pas forcément répondre au désarroi de notre époque troublée mais reste toutefois une œuvre traversé d'une intensité dramatique assez unique allant parfois jusqu'à nous laisser sans voix. Et des voix,
Maruja n'en manque assurément pas grâce à celle imposante de
Harry Wilkinson. Les émotions sincères qui se dégagent de ses éructations et de ses envolées donnent à quelques-uns de leurs morceaux un souffle qui, appuyé par l'omniprésence d'un saxophone virevoltant (celui de
Joe Carroll), hisse cet album au-dessus du tout venant de la scène post-rock actuelle. Un genre dont les anglais semblent finalement ne s'inspirer que pour cette manière d'étendre certaines compositions sur une longueur prenant la forme de montagnes russes; mais pour le reste, c'est une toute autre histoire.
En allant puiser dans la force de frappe du rap, dans l'enivrement du jazz ou encore dans un chant lyrique certes exacerbé mais toujours porté par une sensibilité désarmante,
Maruja crée une fusion détonante principalement guidée par le cœur. Si bien qu'on lui pardonne quelques irrégularités tant
Pain To Power ne triche pas et cherche encore moins à faire son "petit effet". On pense d'abord sur l'ouverture tonitruante
Bloodsport à une sorte de
Black Midi moins cérébral et plus viscéral avant que la suite de l'album n'embraye sur le premier des deux sommets de l'album.
Look Down On Us, mazette, l'onde de choc produite par ce morceau est telle que la suite de
Pain To Power ne pourrait inéluctablement que décevoir. Ce n'est pas le cas puisque l'album va nous surprendre en plaçant son curseur émotionnel ailleurs, tantôt vers un nu-jazz que n'aurait pas renié
The Cinematic Orchestra (
Born To Die), tantôt vers la rage survoltée des bien nommés
Rage Against the Machine (
Trenches).
Deuxième sommet de l'album,
Reconcile paraît répondre en miroir à
Look Down On Us en reprenant plus ou moins le même décollage vocal, et l'on pourrait en effet reprocher au groupe quelques redites çà et là si l'émotion n'était pas au rendez-vous. On accélère le pas puis on le ralentit (la magnifique plainte quasi-instrumentale
Zaytoun), on prend des chemins de traverse puis on repart de plus belle : le mouvement général de cet album contrasté semble faire écho à l'étrange créature qui orne sa pochette : floue, rougeoyante, peut-être dansante et finalement assez insaisissable. Pourtant c'est très clair :
Maruja nous offre avec
Pain To Power un geste ascensionnel hautement cathartique, contenu justement dans son titre (
"de la douleur à la puissance"), dans lequel chacun pourra sans doute se retrouver et même s'élever. L'ambition du groupe étant grande, nos attentes pour la suite de leurs aventures le sont évidemment tout autant.
Chroniqué par
Romain
le 22/09/2025