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Oval

: O



sortie : 2010
label : Thrill Jockey
style : Electronica

achat/téléchargement

Tracklist :
CD 1

01/ Panorama
02/ Ah!
03/ Shhh
04/ Glossy
05/ Stop Motion
06/ Sky
07/ Beige
08/ Brahms Mania
09/ Cinematic
10/ Cry
11/ Cottage
12/ I heart Musik
13/ Salamanca
14/ Dolo
15/ Dricas
16/ Cyprus
17/ Vessel
18/ Dynamo
19/ Finis
20/ Emo

Les dix ans de silence qui séparent ce O d'ovalcommers ne facilitent pas la tâche de qui veut tenter d'approcher ce disque. Intimidant, c'est le moins qu'on puisse dire. C'est que Markus Popp a voulu faire de O un second debut album (le titre O signifie un genre de ground zero), en créant une rupture la plus forte possible avec ses anciennes manières de produire de la musique. Plus déroutant encore est le nombre de titres que comporte ce double album : soixante-dix au total, soit vingt pour le premier disque et cinquante pour le second. Tâchons d'y voir un peu plus clair.


A l'origine, la musique d'Oval intégrait une batterie de concepts extrêmement stimulants pour qui s'intéressait à la musique électronique. Concentré principalement sur les accidents du son numérique, Popp a mis au point une technique très originale qui consistait à distinguer radicalement sources sonores et outils de traitement de ces sources. Celles-ci, principalement, consistaient en CD endommagés et leur son caractéristique quand ils sautent sur la platine. Popp concevait ensuite des logiciels destinés à retraiter de différentes manières le signal issu de ces disques, puis opérait une sélection et un montage à partir de ce résultat. Le hasard, l'accident, le rôle laissé à la machine mais aussi la conception de sources et d'outils sur mesure sont donc des dimensions essentielles du travail passé de Popp.


Pour O, il a choisi une manière très différente de travailler, si l'on en croit les déclarations cryptiques qui émanent de Thrill Jockey. Plutôt que la conception d'outils et de sources customisés, il utilise un PC muni de banques sonores et de plug-ins déjà prêts. Il utilise cette machine comme un instrument traditionnel, ce qui d'une certaine façon était totalement absent de ses précédentes productions. A la fin, il s'agit encore de concevoir le traitement de sources arbitraires de la manière la plus nouvelle possible.


De fait, le son même de O semble inédit. Déployées dans un espace aéré, les sonorités qui forment ces pièces aux structures complexes évoquent très souvent des cordes pincées ou frappées comme des percussions. Il en résulte des sortes de géométries non euclidiennes et mouvantes, gorgées de sifflements, de parasites, d'harmoniques, de feux de Bengale soniques infinitésimaux qui explosent et fusent sans crier gare le long du spectre. La gamme de sons produits semble infinie ; Popp les découpe selon divers modes de net et de flou, les triture de manière à ce qu'ils saturent, crachotent, sifflent, bruissent, dérapent, explosent en replis multiples et anfractuosités à plusieurs dimensions (Citybike). Ce que découvre Popp ici, c'est une nouvelle manière de fragmenter la matière sonore, selon un double tour de force. D'une part, l'identité spécifique de chaque son, conçu, défini et utilisé comme une entité à part entière. Popp est aussi loin que possible de tout automatisme ou de toute idée musicale reçue. Dans la précision de leur découpage et de leur définition, ces sons continuent d'entretenir une ambiguïté fondamentale : à la fois sons de synthèse (Ah!), nappes (I Heart Musik) et percussions (Emocor), ils évoquent aussi très souvent des instruments acoustiques, dont le timbre évolue de manière instable (Shhh).


D'autre part, ils exercent sur l'auditeur une indéniable séduction. Beauté et chatoiement de la masse sonore ne sont pas, ici, de vains mots, sans que Popp ne fasse jamais la moindre concession à l'idée traditionnelle de musicalité. De fait, si O est un peu abscons et revêche côté mélodies et harmonies, le charme qu'il exerce intuitivement sur l'oreille est indéniable. La batterie, omniprésente sur le premier disque, y est sans doute pour quelque chose. Elle guide l'auditeur avant de le laisser s'égarer dans le massif complexe des cinquante ringtones du second disque, et qui forment une longue traînée fractale, pleine de brisures internes qui semblent se démultiplier de manière exponentielle. Là, Popp expérimente des formats d'écoute inhabituels, généralement entre trente secondes et une minute et demie, dressant un relief plein d'accidents, impossible à appréhender de manière globale, et plus encore à mémoriser. Écouter O, c'est naviguer à vue dans un brouillard de plus en plus épais dont la couleur, l'épaisseur et la texture changeraient toutes les vingt ou trente secondes, et faire l'expérience d'une désorientation totale. Popp vise sans doute une sorte de tabula rasa de nos schémas perceptifs et auditifs : l'histoire dira ce qu'il en est.


Pour l'heure, on voudrait volontiers faire de O un genre de Loveless 2.0 : même sentiment d'urgente radicalité (jusque dans sa douceur même), même correspondance profonde avec les possibilités les plus fortes de la musique actuelle, même capacité d'égarement extatique de l'auditeur dans un espace sonore neuf, absolument coupé du passé. On ne saurait dire quelle position occupera O dans l'avenir, mais on peut d'ores et déjà dire qu'il occupe, dans le présent, une place de toute première importance.



Chroniqué par Mathias
le 29/12/2010

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