En décembre 1960, le saxophoniste 
Ornette Coleman, génial outsider de l'ère post-bop, réunissait autours de lui sept acolytes, parmi les meilleurs de la jeune garde de l'époque, pour une improvisation singulière et audacieuse dans les studios d'
Atlantic à New York. 
Les huit musiciens étaient réunis en deux quartets, figurant presque deux boxers sur un ring: l'un face à l'autre, prêt à en découdre. D'un côté 
Coleman lui-même au sax alto, 
Don Cherry à la trompette, 
Scott LaFaro à la contrebasse et 
Billy Higgins aux percussions. De l'autre, et de manière quasi symétrique, 
Eric Dolphy à la clarinette basse, 
Freddie Hubbard à la trompette, 
Charlie Hadden à la contrebasse et 
Ed Blackwell aux percussions. 
Les huit hommes jouèrent simultanément et sans filet et c'est ainsi qu'ils enregistrèrent l'unique prise à l'origine de 
Free Jazz. Un miracle d'improvisation jusqu'au-boutiste et totalement virtuose.
En seulement trente-sept minutes, ils allaient faire valdinguer be-bop et jazz cool et ouvrir avec force et fracas l'ère free des années soixante. Ici plus de variations infinies sur un thème choisi à l'avance dans les standards d’avant-guerre, plus de codes d'aucune sorte non plus : seulement le plaisir violent d'inventer à partir de rien, de laisser libre court à sa propre imagination et à ses émotions immédiates. 
Free Jazz a forcément quelque chose d'explosif, comme une boule d'énergie extrêmement compressée qu'on libère d'un seul coup dans la nature. Cette fraicheur et cette inventivité sans cesse renouvelée, sans cesse dépassée dans le jeu de chaque musicien ne trouvent peut-être d'égal que dans les joutes pleines d’humour du duo mythique 
Charlie Parker / 
Dizzy Gillespie. 
Free Jazz a également quelque chose d’une transe collective. Très rapidement on sent qu’une force gigantesque surgit du chaos et, comme dans un tourbillon, emporte chaque musicien dans un élan créatif complètement débridé.  
En 2010, c'est-à-dire cinquante ans après sa création, 
Free Jazz demeure à n’en pas douter un des plus grands moments d'improvisation de l'histoire du jazz.