Raoul Sinier est habité d'une flamme, d'une intensité, d'une gravité rare. Du moins sur disque c'est d'ores et déjà une certitude. Crispé et tendu jusqu'à la déraison parfois, possédé, il pare ses chansons - aujourd'hui on peut définitivement employer ce terme consacré - de frissons troublants et semble frôler un burn out que beaucoup de novices lui promettraient facilement comme destinée irrémédiable. Alors qu'à force de suivre le bonhomme dans les méandres de son cortex créatif, on sait bien que c'est l'inverse : ici se joue le combat interne qui mène à l'apaisement.
C'était vrai sur ses précédentes moutures, ça le reste sur ce très ramassé nouveau Lp.
En effet, la confirmation est faite ici que
Ra dispose d'une petite (dis)fonction dans le crâne qui lui fait approcher directement le noir des humeurs. Ses mélodies abreuvées de claviers en tout genre, de samples extra-terrestres en deviennent de parfaites bande son pour cauchemards et autres internements forcés.
Produit d'une main de maître par lui-même pour
Ad Noiseam, ce disque avance avec assurance sur un fil acrobatique entre cold wave intimiste et saillies électroniques dont lui seul a le secret, tout en laissant la part belle à la voix. Celle de son chant, traitée et filtrée avec parcimonie mais efficacité ; et celle, plus subtile peut-être, mais autrement plus dérangée de l'âme sœur, maîtresse du verbe du lascar,
Sylvie Fretet, dont la prose psychiatrique et mystique donne à cet album deux joyaux brûlants d'une beauté instantanée et sans âge :
The Enlightened Man et le magistral ouragan
She Is A Lord. Deux titres magnifiques, à la fois le crépuscule et l'aube d'un disque qui en recèle bien d'autres (le terrassant
Winter Days).
Un disque une nouvelle fois réussi ! Encore, oui ! A ce rythme-là , il est clair que de notre côté les mots risquent de manquer. On s'est déjà d'ailleurs surpris à rêver d'une prochaine bouse du sieur Sinier, un album tout pourri qu'on aurait pu allègrement dézingué, histoire de varier la teneur du champ lexical...Sans trop y croire ...Heureusement !
Chroniqué par
Yvan
le 24/12/2011