Line est le label du compositeur minimaliste américain
Richard Chartier. C’est une structure assez obscure je vous l’accorde, appréciée des seuls amateurs de musique d’avant-garde. Structure qui gagnerait néanmoins à être connue puisqu’elle œuvre sans relâche pour rendre accessible des musiques jugées parfois, à tord ou à raison (on ne va pas se voiler la face) : soit trop intellectualisées, ou trop cliniques, ou carrément inaudibles. La pudeur m'empêchant de citer des noms en rapport avec le dernier adjectif utilisé.
Cela dit il n’y a qu’à prendre le temps d’égrainer la liste de ses résidents, pour se rendre compte que
Line ne manque pas d’humanité et même de son petit côté fun. Saviez-vous à ce sujet que
Richard Chartier et sa bande de sound-designers étaient hébergés à l’enseigne
12k. Si ce n’est pas un signe…
Robert Curgenven quant à lui, est australien de son état et figure parmi les derniers arrivés sur le navire
Line. Il rejoint donc à bord des personnalités telles qu’
Alva Noto,
Christopher Willits,
Kenneth Kirschner ou
William Basinski. Pas le genre de types à tricoter des albums entiers avec des crissements de freins de fiat panda (si ça peut en rassurer certains). Tout de même,
Line aime à produire des documents sonores originaux et déconcertants sur la forme comme des installations sonores par exemple.
Oltre, le nouvel album de
Curgenven ne fait pas exception à la règle. Il se présente comme un recueil de performances live. Il en compte 5 en tout et pour tout, captées à chaque fois dans des lieux différents. Mais en réalité, ces 5 compositions participent du même processus et réutilisent le même matériel : à savoir un simple signal sonore, brut de décoffrage et contenu tout entier sur une dubplate. A chaque fois ce signal est joué live, augmenté de fields recordings métalliques ou naturalistes, de bidouillages à la guitare électrique et d’autres éléments non-identifiés, puis réenregistré en l’état sur un nouveau support. L’opération étant répétée systématiquement.
Curgenven nous invite donc à nous laisser pénétrer de ce signal maintes fois éprouvé par les réenregistrements successifs, et à suivre son évolution au fil des représentations et des humeurs de l’artiste. A l’image de son artwork,
Oltre ferait bien office de friche industrielle sonore, se désagrégeant au fil du temps, se métamorphosant, se reconstituant, passant à travers une multitude de processus organiques.
Si
Oltre reste une oeuvre un minimum exigeante, elle possède un pouvoir hypnotique indéniable. Elle ravira sûrement ceux qui aiment à vagabonder longuement, sous l’emprise de rêves et autres visions de l’esprit induis par une telle musique. Au final, on situerait bien
Oltre quelque part entre les
Disintegration Loops de
Basinski, le dernier
Solo Andata et les expériences du japonais
Shinobu Nemoto. Tout un programme en perspective...