Le 15 novembre 2004, au Royal Festival Hall de Londres,
Anthony Braxton interprétait sa
Composition 343 en quintette. Inédit, celui-ci, qui voit le maître entouré de jeunes musiciens attentionnés et brillants. Devant eux : 2000 personnes.
La première des deux parties suit des mouvements giratoires. Quelques pauses sont permises, pendant lesquelles la formation avance prudemment ses propositions : la retenue évidente de la guitare de
Mary Halvorson, ou l’expression plus convulsive du trompettiste
Taylor Ho Bynum. Convoités, les conseils de
Braxton ne tardent pas : investissant bientôt un passage improvisé sans garde-fou, propulsant quelques rauques, vitupérant toujours.
Lorsque l’on retrouve l’unisson, voici le saxophoniste passé au soprano. La langueur relâche alors les tensions, invite même le contrebassiste
Chris Dahlgren à une introspection apte à recevoir le grain savoureux d’un free jazz jouant, au gré de la partition, avec les dissonances rebondies et les recadrages nécessaires. La fulgurance collégiale et le chaos subtil en guise de conclusion.
La seconde partie, plus courte, opte dès le départ pour l’expérimentation évidente. D’une forme générale plus déconstruite, elle débarrasse le quintette des contraintes. Laissant le temps à
Satoshi Takeishi de propulser ses interventions sur percussions de manière à faire tanguer assez l’ensemble,
Braxton fomente ses attaques au soprano, qui viendront compléter les accords saturés de guitare posés en arrière-plan, pour mener à son terme une pièce abrasive et instantanée.
Puisque pas un trimestre ne passe sans que la discographie d’
Anthony Braxton ne connaisse une actualité, l’idée paresseuse pourrait nous frôler, cherchant à nous persuader qu’il n’y aurait rien de grave à laisser passer ce disque-ci. Or,
Live at the Royal Festival Hall est bien près d’être indispensable : interprétation énergique et éclairée, et présentation in vivo de quatre nouveaux visages. Le relâchement, pour après.
Chroniqué par
Grisli
le 17/11/2005