Dire que
Barb4ry était attendu serait un peu faible. En revanche, affirmer que ce nouvel album des très prometteurs
EZ3kiel n'en finissait pas d'être esperé, semblerait déjà plus coller à la réalité. Après
Handle with Care, on pouvait s'attendre à quelque chose d'au moins aussi impressionnant, sinon plus. Alors verdict ?
Pas tout de suite. Ce serait trop simple, sans interêt. Avant d'entrer dans le vif du sujet, il faut savoir certaines choses.
La première, c'est que
Barb4ry comporte lui aussi son quotat d'apparitions, tant surprenantes qu'imprévisibles. A savoir :
Black Sifichi,
Angélique Willkie (une ex-
Zap Mama), le quatuor belge
DAAU, ou encore
Angelo Moore (chanteur de
Fishbone). La seconde, le design de l'album. Une fois de plus, c'est beau et unique. Voilà pour la forme. Place au fond.
Kika ouvre le bal de façon admirable. Courte pièce mélancolique jusqu'à l'os à l'intérieur de laquelle se mêlent avec grâce, piano et violons. Touchante et sublime introduction s'achevant avec le début de
Versus. Une voix monogammique énumère inlassablement des mots suscitants la négativité et la mort, tandis qu'une autre, féminine cette fois-ci, vient prendre sa place, et tente de rétablir l'équilibre à coup de termes positifs et humains. Puis les deux entités se rejoignent et poursuivent leur monologue respectif jusqu'à la fin. Côté musique, une puissante mélodie oscillant entre grandiloquence et douceur vénéneuse se laisse porter par un groove soutenu, légèrement noisy, accrocheur et rugueux.
Another semble désirer la neutralité totale avec son magma électronique très lointain, quand, subitement, tous les repères s'envolent lorsque le morceau se transforme en récital pour violons aux accents tziganes.
3 rue Monplaisir change d'horizon. Place au dub de très haute qualitée. Outre le riddim incisif et pointu, le clavier reggae et la reverb de circonstance pour ce genre musical, la vraie réussite provient de l'accompagnement. Un accordéon, un violon et une clarinette viennent insuffler une chaleur humaine inattendue et une énérgie grisante, teintée de rêve.
L'évolution du dub ? Non, tout bonnement un coup de génie. Décrire le titre qui suit peut paraître désapointant. En effet, les revirements de style se succèdent au sein même des 5 minutes de
Phantom Land sans aucune nuance, où plutôt sans que l'auditeur ne se rende compte réellement que la chanson aura telle ou telle couleur de son début à sa fin.
EZ3kiel tente et réalise le mix improbable de groove, d'electronica, de mélodie complexe et recherchée et, comme pour signer son oeuvre, se permet un bouquet final sur fond de rythme punk. Et tout ceci dans une cohésion déconcertante. Plus sombre,
Tôt ou tard unit le downtempo et le dub. Beat machinal, chant féminin fragile, et ambiance soul-blues empoisonnée. Plus largement electro,
Obssd retrouve la voix masculine et envoûtante de
Versus. Expérimentations sonores, atmosphère glacial et structure résolument hypnotique. La griffe du groupe se ressent plus nettement encore durant l'éponyme
Barb4ry. Basse énorme, réminiscences dub, et breaks incessants.
Plutôt hermétique et mystérieux, le ton général est tant à l'emprisonnement sensoriel qu'à la nébulosité mélodique. Très différent,
Thought dérive entre hip-hop épuré et dub électro-acoustique. Groove lourd et massif avec "Sûrement", positionné entre crépuscule et clarté, entre minimalisme conceptuel et breakbeat saturé. Enfin,
Akik clôt ce second opus des enfants prodiges de
Jarring Effects sur une superbe symphonie hybride pendant laquelle se croisent violons tristes et sonorités méchaniques discrètes.
Le grand talent de
EZ3kiel provient de son étonnante facilité à se singulariser parmi bon nombre de formations françaises actuelles. On ne peut qu'encourager la démarche, et souhaiter la poursuite de l'histoire.
Barb4ry est un très bon album. Tout le reste n'est que futilité.
Chroniqué par
Yragael
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