En 2099, un couple entreprend un voyage pour échapper à la société en déclin de l'Union Mondiale et découvre l'île obscure de Mandorla où les autochtones ont crée une société égalitaire grâce notamment à leur capacité à communiquer directement avec une entité appelée "La Source". Le couple devra alors choisir entre s'adapter à une culture différente ou affronter la mort en luttant pour aider leur vieux monde à survivre. Voilà tissés les contours mouvants de cette intrigante histoire de science-fiction créée par la compositrice Nicole Mitchell pour son dernier disque : Mandorla Awakening II : Emerging Worlds.
Paradoxe vivant, elle n'en finit plus de surprendre, tout en gardant le cap d'un concept musical bien à elle. Généreuse autant que ferme sur la route à suivre, la flûtiste et cheffe de gang reste parmi les plus déterminées et engagées de sa génération. Ce nouvel opus enfonce le clou de cet engagement, son positionnement artistique dépassant ici largement le simple cadre musical.
Son projet emprunte autant aux sciences sociales, à la Science Fiction et à la prospective romanesque tout en posant deux questions cruciales : les éléments les plus prolifiques de chaque tradition sont-ils conciliables et comment les rassembler ? Vaste programme !
Ces questions sur lesquelles s'appuient notre artiste et sa troupe - une sorte de reconfiguration du Black Earth Ensemble apparu sur ses précédents disques - n'auront jamais été autant d'actualité. On pense notamment au mouvement d'ampleur de Black Lives Matter auquel les mots scandés par le jeune poète Avery R Young font immanquablement écho. Puis, par-delà le verbe, se trouve évidemment la musique. Et si l'hospitalité de Mitchell semble sans bornes - percussions, violon, basse, guitares cotoient banjo, od theremin, shamisen, shakuhachi, taiko...- elle ne perd jamais le fil de ses pensées. Ainsi, sur ce nouveau Lp, son nouveau monde pour ainsi dire, l'expérience prend des détours pour le moins étonnants. Palpitants en fait !
Chimiste et alchimiste, la chef d'orchestre s'emploie ainsi à dessiner un monde imaginaire, hanté et mystérieux, un endroit tenu par un secret ténu, enfoui au coeur d'un post-bop afrofuturiste qui frayent là avec la noise-rock et ici avec le free-funk.
Un secret qui tient à nouveau en une question : dystopie et utopie ne seraient elles pas les soeurs de notre futur ? Alors...? Papier, crayon..Vous avez 4 heures !
Chroniqué par
Yvan
le 24/03/2018