Quand on a décidé de consacrer sa vie aux arts et à la culture, quand la passion devient vitale et l’expression de cette passion nécessaire, que peut-on faire en une époque où l’essence et l’utilité de ces arts sont remises en question ? C’est probablement la question que de nombreux acteurs du monde du cinéma, des arts de la danse et du théâtre, de la sculpture, de la peinture et du dessin, ainsi que du secteur musical se sont posés cette année passée. L’impression d’ôter à des centaines de milliers d’artistes et d’acteurs des domaines artistiques cette « essence vitale » est une angoisse latente qui va se ressentir dans les œuvres et représentations des années à venir.
Time to Die semble incarner cette urgence, ce sentiment d’oppression et d’étouffement qui semblent peser dans l’atmosphère (Time to Die). La traduction « il est temps de mourir » pourrait signifier ici « nous ne pouvons plus poursuivre comme nous le faisions auparavant ». Ce que nous avons connu et chéri jusqu’ici a désormais disparu, et le moment est venu pour nous de disparaître. Mais là où certains titres de l’album peuvent inspirer le nihilisme et le désespoir, on y trouve également de l’espoir et de la légèreté, qui inspirent à un nouveau lendemain (Landscape).
Alors, on pourrait s’attarder sur le concret, comme notamment la présence sur Time to Die du titre Comma Opening, qui reprend le magnifique thème « Comma », initié l’an dernier par Christine Ott sur Chimères (pour Ondes Martenot), ou encore avec Matthieu Gabry sur Volutes, le premier album de Snowdrops. On peut également se pencher sur la richesse des compositions : le très épuré Chasing Harp est une composition forte et solitaire ; le sombre Horizons Fauves est un morceau expérimental et évolutif qui cristallise la tension de l’album. Aussi, les enregistrements audios et autres field recordings apportent des couleurs aux titres Time to Die et Pluie, ce qui rend l’album plus organique, plus vivant. Mais cette analyse au microscope ne définit pas complètement cette œuvre qui se comprendrait plutôt dans sa globalité que dans l’individualité de chacune de ses pièces.
Christine Ott exprime avec les huit morceaux de Time to Die une force de passion et de sentiments saisissants, touchant l’auditeur de façon viscérale, primitive. La sensibilité et la profondeur de l’album parviennent à confronter l’auditeur à des questions de foi, presque même jusqu’à la remise en question existentialiste : pourquoi sommes-nous ? Que pouvons-nous faire de ce temps qui nous est accordé ? Et pour qui, pourquoi désirons-nous nous lever chaque matin et nous battre chaque jour ? Il est peut-être temps de « mourir », d’annihiler complètement ce que nous pensons être, pour se reconstruire, se redéfinir.