Un instant de grâce atmosphérique où un piano entre en collision avec le silence. Tissé sur un fond de lin blanc, le field recording du plasticien américain
Paul Corley saisit nos pensées bucoliques en les injectant d’une torpeur toxique engourdissante. On appréhende
Disquiet comme un énième album d’électronica planante. C'est sans compter qu'il est distribué par l'écurie
Kompakt et produit par le triumvira de l'ambient moderne
Valgeir Sigurðsson/Nico Muhly/
Ben Frost via leur label
Bedroom Community.
Corley s'est également distingué en accompagnant au piano
Tim Hecker lors de la réalisation du sublime
Ravedeath, 1972. Enfin,
Disquiet a pour lui une liste d'invités prestigieux. Le mixage et la programmation sont tenus par
Ben Frost et
Paul Evans, la guitare par
Ben Frost et
Matthew Collings. La basse nébuleuse de
Borgar Magnasson vient alourdir la brume présente partout sur l'album et l’aérien
Valgeir Sigurdsson prodigue son savoir faire de peintre sonore, lui qui a travaillé de manière plus visible pour
Björk,
Feist ou
Camille.
Dans les remerciements, il y a
Tim Hecker et
Brian Eno. Ces deux entités artistiques pourraient résumer à elles seuls la palette de couleurs de
Disquiet.
Comme de gros morceaux de glace, les notes de piano dérivent à la surface d’une mer glaciale léchant mollement les rivages d’un monde urbain qui respire difficilement. Du gris, du blanc, et si le nacre des frimas se réchauffe légèrement, c’est d’un mercure verdâtre que la brume et la nuit naissante autorisent pour quelques minutes encore, juste avant l’anthracite définitif. Le piano est préparé, il flotte dans un rêve néoclassique au milieu de drones délicats, de post-rock primaire et traduit une discrétion spirituelle saisissante, une brûlante caresse cérébrale, sombrant sur un final minimal troublant.
Chroniqué par
Charlu
le 23/12/2012