Un an après la sortie du remarqué
Apocalypse sur
Drag City,
Bill Callahan se retrouve une fois de plus dans l'actualité. Cette fois, c'est par l'intermédiaire du duo formé par
Stephan Mathieu et
Sylvain Chauveau, qui viennent de collaborer étroitement à un recueil de reprises de son groupe culte
Smog.
Palimpsest, c'est le nom donné à cet album atypique dont le titre est déjà un programme en lui-même. Comme sur ces parchemins où se superposent mille et un alphabets, la folk de
Callahan disparaît sous une épaisse couche de nappes électroacoustiques qui viennent la recouvrir comme un sarcophage. En filant la métaphore du palimpseste,
Mathieu et
Chauveau sont parvenus à donner une relecture surprenante des chansons de l'américain, en les coupant de toute réalité prosaïque et en les plongeant dans un état intermédiaire entre stase spatio-temporelle et flottement somnambulique. Par ce biais,
Palimpsest nous invite à explorer l'univers de
Bill Callahan dans un état second, jusqu'à la perte totale des sens.
L'album pris dans sa globalité ressemble à une suite de tableaux monumentaux en forme de variation obsédante autour de la musique de
Bill Callahan. Avec comme toile de fond, le lyrisme empreint de trivialité et de transcendantalisme qui caractérise tout l'univers de l'Américain, mais poussé ici et de manière vertigineuse, vers l'abstraction pure, l'atemporalité la plus totale.
Stephan Mathieu en particulier a rendu un travail hallucinant sur les textures sonores qui sont toujours esquissées avec une précaution rare. C'est simple, l'Allemand a oeuvré comme un peintre, soucieux jusqu'à l'extrême d'agencer à la perfection la moindre nuance de couleur, de lumière, et de grain à l'intérieur de ses compositions.
Chosen One et
The Floating World / Your Wedding en particulier, émerveillent par leurs qualités sculpturales, alternant les instants de presque-silence avec les lentes montées en intensité des drones. Sur ces toiles impressionnistes,
Sylvain Chauveau égraine les textes fantasmagoriques de
Bill Callahan, comme absent à lui-même. Grâce à sa diction aérienne et indolente, il parvient à atteindre des hauteurs métaphysiques quasi extra-terrestres.
L'intensité du son combinée à l'extraordinaire radiance des récitations de
Sylvain Chauveau nous amènent à arpenter une terra incognita de la pop. Dans ce torrent de musique ectoplasmique, les images mentales et mythologiques contenues dans les ballades de
Bill Callahan nous atteignent avec une force décuplée.
Chosen One est sans doute le chef d'oeuvre de l'album, le morceau qui illustre avec le plus d'évidence le pouvoir incroyable de transfiguration et d'évocation des sonorités de
Palimpsest. Le reste de l'album n'est pas en reste : des plaintes déchirantes accompagnent les lentes circonvolutions de
The Floating World / Your Wedding et
Wild Love quand la ténébreuse
Prince Alone in the Studio exhale un parfum trouble, oscillant entre fantasmes homoérotiques et extase morbide.
Palimpsest se clôt sur la lumineuse et mélancolique
I Break Horses, qui finit de conférer à la musique de
Bill Callahan une amplitude folle, un magnétisme sur-humain.
Palimpsest sort sur le nouveau label de
Stephan Mathieu,
Schwebung. Trois titres sont en écoute sur le
site officiel.