Dead Can Dance fait son grand retour : un nouvel album, un suivant déjà annoncé et une tournée mondiale complète depuis des siècles. De quoi attiser notre intérêt. D’abord parce qu’il s’agit de la formation qui nous a le plus fasciné et ensuite parce que les projets en solo menés par chacun de ses membres n’ont jamais réussi à tenir la route. Si Lisa Gerrard était parvenu a transformer l’essai avec son
Duality, on était loin d’en dire de même pour le reste de sa discographie tout comme celle de Brendan Perry. On l’aura donc compris, la première écoute de ce nouvel album tant attendu, reste marquée par cet habituel sentiment mêlant appréhension et excitation.
Le groupe nous avait laissé orphelin en 1996 avec son
Spiritchaser, un album d’avantage ouvert aux sonorités africaines et marqué par cette quasi absence de mystère et de magnétisme qui avait tant caractérisé l’esprit du groupe. Une carence de passion et de magie qui pouvait laisser penser au simple exercice de style, celui de l’étalage d’une maîtrise dans l’art de tisser des ponts entre genres musicaux et de passer d’un instrument à l’autre avec facilité. Qu’importe, il n’en demeure pas moins un excellent album. Seulement l’idée de voir le groupe achever sa carrière par ce dernier laissait cette désagréable impression de voir faner l’un des groupe les plus exaltants de cette fin de XXème siècle.
C’est à ce titre que l’écoute d’
Anasatis est frappante. L’histoire reprend là où le groupe nous avait laissé précédemment mais avec ce quelque chose que l’on croyait perdu. A croire que les seize années qui séparent ces deux opus n’ont jamais été aussi courtes. A croire que la pause dans la vie d’un groupe n’aura jamais été aussi nécessaire. Elle leur a permis de retrouver leur substantifique moelle. Cette empreinte mystique et ce savoir-faire musical. Ce mélange de cultures, ce mysticisme et cette aura. Celle d’un grand groupe et d’une grande musique.
L’Afrique n’est pas loin, on l’a dit, on suit
Spiritchaser et surtout le splendide
Into The Labyrinth, mais aussi les Caraïbes et ses
Steel Drums, l’Arabie et ses percussions ainsi que la musique médiévale d’inspiration celte. Toutefois, le groupe continue d’évoluer, d’avancer. Ici on ne se contente pas de reprendre les acquis et de faire le minimum. On prolonge l’œuvre avec la même exigence en développant le travail sur la boucle et l’hypnose à l’image du titre
Amnesia.
Mais c’est l’écoute des cordes qui nous frappent d’avantage tant elles n’ont jamais paru aussi présentes et aussi importantes. Leurs incursions donnent en effet toute sa substance aux différentes compositions. Ils ne s’agit pas là de simples enluminures ni de textures, au contraire, elles guident chacune de ces œuvres. A l’image de leur intervention dans le titre d’ouverture (
Children of the Sun), sans doute l’un des plus grand titre signé par le groupe. La musique est simple, ici il n’y pas de juxtapositions de couches, au contraire on reste dans l’épure, chaque instrument, chaque intervention a été réglée avec précision. Peu de bavardages, comme si on s’était attaché à ne conserver que l’essentiel. Comme pour se focaliser sur ce qui a de plus important en adoptant le vocabulaire le plus adapté.
Anastasis installe une subtilité dans la forme qui sert un propos en lui conférant une grande force. Le résultat est là : on reste captivé, envouté dès les premières notes. L’expérience se renouvèle et se pare de nouveaux atouts.
Dead Can Dance reste ce grand groupe qu’il fut, et demeure en mesure de nous procurer des sensations uniques. Une grande musique et un grand disque.