Ellen Allien n'est pas vraiment née de la dernière pluie. Certains considèrent aujourd'hui l'ensemble de son œuvre comme un des actes importants de l'avènement de la techno allemande. D'autres voient en elle une intelligente femme d'affaires dont l'apport artistique aurait été quelque peu monté en épingle, voire carrément surestimé.
Pourtant, quand sortit en 2003,
Berlinette, son deuxième opus, la critique fut unanime. La belle en avait sous la pédale : du talent à revendre et de la suite dans les idées. Seulement voilà, depuis de l'eau a coulé sous les ponts de Berlin. De
Thrills, suite plus en-dedans de
Berlinette, à
Sool, disque plus maussade, introspectif et sombre, en passant par l'embardée folle d'
Orchestra Of Bubbles aux côtés d'
Apparat, on a bien senti cette tendance à s'approcher doucement mais surement du canapé plutôt que de la piste de danse.
Du coup, jamais de réel successeur dans le cœur des fans à ce fameux
Berlinette, avec à la clé deux écoles : ceux qui ont aimé ce dernier et n'en sont pas revenu, puis ceux qui aiment
Ellen Allien et la suivent dans sa démarche artistique. Désolé pour les premiers, mais ce n'est pas avec
Dust que les choses vont changer . Enfin, disons plutôt qu'avec ce disque, Frau
Allien continue tranquillement sa mutation. Effaçant progressivement les stigmates purement technoïdes de sa musique pour les hybrider, elle s'enfonce indéniablement vers un cross-over electro-pop assumé (pas moins de sept morceaux sur dix expédiés en moins de 4'30) .
Alors, pour couper court gentiment à toute escalade comparative, ce cinquième album est un bon album. La Berlinoise a gardé sa méthode d'union des paradoxes. Quand à ses débuts, c'était d'émotions contraires dont il était question, sur
Dust ce sont plutôt des affinités sonores qui s'entrechoquent, faites d'électronique bien sûr, mais d'organique aussi, avec des touches rock, folk aussi.
Pas du genre à bouger les lignes, c'est clair, mais plutôt bien roulé et attrayant. Frais. Ce terme peut faire sourire, mais disons qu'un disque attendu par certains depuis plus de sept ans pourrait facilement sentir le moisi, alors que là, il est tout au plus un brin poussiéreux (!).
Dans le détail, les titres teintés "kraut" (
You et sa gratte rock,
Sun The Rain et son chant indie-pop) arrivent à surprendre. On n'aurait pas la jaquette sous les yeux, il pourrait y avoir confusion.
Ceux plus techno - si on peut encore parler en ces termes - sont les plus "bateaux" finalement et font moins d'effets. Certains restent de bonne tenue (le classique
Ourutopie et le standard
Schlumi qui ouvre et ferme l'album), d'autres beaucoup moins (le discoïde
Flashy Flashy tombe un peu à plat de même que le très Larkinien
Ever, trop surfait).
En fin de compte,
Dust est loin d'être un disque traité par dessus la jambe, il est même carrément mieux produit que son prédécesseur (peut-être l'apport de
Tobias Freund qui a remplacé
AGF aux manettes ?). C'est juste le fruit de choix artistiques tranchés, qui on peut en convenir, laissent par endroit dubitatif (que dire de
Huibuh espèce d'électro-chachacha, sans être méchant). Voilà tout.
Globalement, par son côté volontaire, et le bénéfice du doute quant aux effets recherchés par sa génitrice,
Dust parvient à accrocher l'attention. On s'y attarde, et finalement on s'y attache...Faute de mieux, il faut l'avouer. Patience, donc.
Chroniqué par
Yvan
le 17/11/2010