Les musiciens obsessionnels ont quelque chose de fascinant qui les distingue des autres musiciens. Être obsessionnel, ce n'est pas forcément pathologique. Ça peut être une manière singulière d'aborder la musique. Une manière de la poursuivre jusques en ses derniers retranchements, de ne pas lâcher une idée avant de l'avoir épuisée, de l'avoir tellement travaillée qu'elle n'en peut plus, qu'elle se désagrège. Il faut alors la laisser reposer ou mourir, c'est selon.
Les musiciens de
Maserati et, en tête, Gerry Fuchs — leur batteur — sont de ce genre-là. Du genre à poursuivre une même ligne mélodique jusqu'à l'épuisement total de ses possibilités (
Inventions). Du genre à moins suivre un rythme qu'à laisser — au terme d'une course haletante — le batteur harceler son tom basse sans perdre le rythme, créant ainsi une déferlante sonore tandis que le bassiste infatigable scande le même riff minimal, enroule inlassablement la musique autour de lui (
Show me the season). Rendue à ses appareils les plus simples, dégagée de tout artifice, la musique devient un hymne à sa propre nature rythmique. Une force qui se déroule et qui, sous la contrainte d'une réduction à l'essentiel, se libère.
Obsessionnel, assurément, mais d'un autre genre aussi. Du genre à suivre — malgré les aléas des formations — une idée fixe. Comme cette insistance avec laquelle Gerry Fuchs revisite
Synchronicity (I & II) de
The Police. Avec
Turing Machine, sur
Zwei, c'était
Synchronicity III. Sur
Inventions for the new season, c'est
Synchronicity IV. Manières de faire apparaître des filiations qui n'ont peut-être rien d'évident, mais qui pourtant structurent l'approche musicale d'un groupe, lui donnent une cohérence. Et, au-delà de tel ou tel groupe particulier, elles font d'un musicien quelqu'un qui suit une réelle trajectoire plutôt qu'un individu qui erre sans savoir où il va.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 31/03/2007