La spécificité majeure du
Trio 3 vient du fait que chacun de ses membres représente à lui seul un pan entier de l’histoire du jazz exigeant. Sidemen de
Monk,
Coltrane,
Cecil Taylor ou
Roland Kirk, et musiciens au premier plan du Loft Movement new-yorkais,
Oliver Lake,
Reggie Workman et
Andrew Cyrille poursuivent leurs expériences, avec le même panache qu’hier.
Après une plage déstructurée sur laquelle s’harmonisent déjà les interventions indépendantes (
A Chase), le trio prend des libertés sur quelques figures établies : swing dissonant transformé en marche sur les conseils de la contrebasse de
Workman (
Medea), post bop débonnaire (
Given), ou free déclaré sur
Special People, dont le thème rendu à l’unisson mais voué bientôt au lynchage rappelle
Albert Ayler.
A chaque fois, les partenaires rivalisent d’habileté : facilité du grand solo de
Workman sur
Playing For Keeps ; ardeur sublime ou roulements élaborés de la batterie de
Cyrille sur
Time Being et
Tight Rope ; aisance quiète de
Lake à dérouler aux saxophones des phrases instables et pourtant décisives (
Lope,
Time Was). Rassemblés, les voilà excellant sur un
Equilateral improvisé, ou sur l’impression trouble et intense qu’est
Tight Rope.
En 10 morceaux,
Time Being assure ainsi de l’inaltérable qualité de musiciens déjà accomplis il y a une quarantaine d’années. Renouvelle l’engagement, en quelque sorte. Sans refuser, de temps à autre, d’aller creuser encore plus profond.
Chroniqué par
Grisli
le 26/06/2006