Avec leur troisième album
Helping hands, le duo
Man tente un pari osé: réconcilier l’espace d’un instant leurs collages instables et expérimentaux avec des aspirations plus pop. Un parti-pris audacieux, prompt à donner naissance à des contre-pieds multiples, des frictions réussies, mais aussi à des hésitations passagères.
Titre d’ouverture,
You’re in for it démarre sur une incise électronique minimaliste, avant de se muer en une machine à danser, oscillant constamment entre dancefloor et coulisses. Orientation mélodique et électronique initiale, on pourra préférer à ce début en trombe, les morceaux plus résolument ambient de l’album.
Revenir propose ainsi des ambiances légères et atmosphériques séduisantes, traçant les traits d’un brouillard accueillant. Sur le même modèle,
Helping hand résonne comme un alliage étrange de boîtes à musique diverses, instaurant une douce mélancolie. Enfin, refusant le dictat des boîtes à rythme,
Drifting accouche d’espaces plus pop, sous l’impulsion d’un piano dominant et d’une trompette plus en retrait.
Mais ces climats à l'orientation fortement mélodique ne se limitent pas à quelques morceaux disséminés. Ils se permettent encore de se confronter à l’autre versant de la musique de
Man, dans des formules variables. Si un titre comme
Separation débute sur un passage de piano à la mélodie revendiquée, sa seconde partie se dilue dans des frictions bienvenues, au sein d’un climat bruitiste prompt à fissurer l’éphémère quiétude esquissée. En sens inverse,
Dirty some paper to clear out my brain s’ouvre sur une première partie instable et hésitante, qui se mue soudain en une ritournelle douce et sautillante.
Malgré ces directions multiples, tant au niveau des mélodies que des structures, c’est la face sombre et glacée de
Man qui offre les meilleurs titres de cet album. Le superbe
Maïomie se présente ainsi comme une construction hypnotique et éthérée, sorte de trip-hop dépouillé à l’extrême, où la mélodie se résume à une guitare à la saturation discrète, pour un blues léger. Mieux encore,
8mm s’impose comme une réussite majeure, mélangeant habilement textures concrètes et bribes mélodiques acoustiques. Quelques cordes de guitare façonnent un phrasé aérien, qui se marie parfaitement à l’arrière plan saccadé d’un projecteur cinématographique. Dans sa seconde partie, le piano dévore l’espace, pour un solo sur le fil, rappelant le souffle d’un
Keith Jarrett.
C’est peut-être sur ce modèle d’une dichotomie moins ouvertement revendiquée que
Man parvient à donner, paradoxalement, la meilleure illustration du jeu d’attirances qui préside aux destinées de
Helping Hands. A trop chercher à les ériger en une formule motrice, les allers-retours du duo peuvent parfois sonner comme autant d’hésitations, dans le même temps qu’elles atteignent un improbable équilibre. Mais malgré quelques écarts, la variété des ambiances et des constructions impressionne, de même que ce goût du risque, à se vouloir sur le fil, quitte à se brûler les ailes.
Helping Hands s’impose comme un album de transition et d’ouverture, où
Man entame une mutation qui laisse présager de belles surprises.
Chroniqué par
Christophe
le 03/12/2005