Intention louable, résultat mitigé pour cette compilation qui entend rendre compte d’une grande manifestation électronique européenne, le festival
Dis_Patched, situé à Belgrade, équivalent mid-oriental de festivals comme
Sonar ou
Mutek. Résultat mitigé pour deux raisons essentiellement, la première tenant à l’esprit dans lequel est réalisée cette compilation, la seconde ayant trait, tout simplement, à la musique rassemblée ici.
Cette compilation s’annonce donc comme la rétrospective des meilleurs moments de deux années de défrichage électronique (2002-2004) rassemblant la crème de la crème de la scène électronique mondiale :
Murcof,
Radian,
Dictaphone,
Chicago Underground Trio,
Icarus et d’autres noms à l’avenant. Et pourtant – et cela tient autant au paratexte qu’à la compilation elle-même – le tout s’annonce d’une manière étonnamment
discount, insistant et même forçant sur la désaffection de la scène électronique d’Europe de l’Est, sur la pauvreté des réseaux de distribution qui fait passer pour underground ce qui, chez nous ici à l’ouest, est mainstream, réseaux qui condamnent les autochtones à écouter un folklore local rétrograde et périmé. Et de chanter les louanges d’une pareille manifestation, œuvre de progrès social, bonne parole apportée à un ensemble de pays qui cherchent à se dégager d’un supposé marasme culturel. En somme, c’est la fibre occidentalo-centriste (option consommateur cultivé) de l’auditeur qui est ici titillée, comme si on le pressait, en se procurant cette compilation, de faire acte de charité, d’œuvrer pour la paix perpétuelle et le progrès des peuples. Certainement, l’élargissement de la culture électronique telle qu’elle est représentée sur cette compilation à des territoires qui n’y ont ordinairement pas accès est une bonne chose, ce qui l’est moins, c’est le messianisme culturel de mauvais aloi affiché ici, un peu inquiétant dans son dogmatisme esthétique et idéologique : il y a quelque chose de décrédibilisant et de peu engageant à situer ainsi l’esprit d’un festival – vous imaginez sans mal ce qu’ont de douteuses de pareilles déclarations d’intentions.
Mais peut-être cela est-il secondaire, dans un premier temps du moins, avant que cette manifestation ne s’impose véritablement – encore que l’esprit d’un festival ne se sépare pas de son contenu musical. Mais après tout, nous sommes là pour juger la musique ici présente. Comme vous l’aurez remarqué la tracklist est un modèle de goût, un sans-faute, large et pointu à la fois. Et pourtant, à quelques exceptions près, l’intérêt de ces versions lives, la valeur ajoutée comme qui dirait, est assez faible : certains morceaux dont on est en droit d’attendre le meilleurs n’apportent rien de véritablement excitant face à l’album dont ils sont tirés ;
Mo de
Murcof par exemple,
Tesla de
Tarwater ou encore
Nahfeld de
Radian. On aurait aimé davantage d’inédits ou de liberté face aux morceaux d’origine. Restent quelques bonnes surprises, comme l’
Interlude d’
Icarus,
Cherry de
Dictaphone qui prend une nouvelle dimension, bien plus free, de même pour
Othello du
Chicago Underground Trio. Etrange impression que de découvrir une compilation un peu paresseuse issue d’un festival tout sauf tiède. Et ce sans considération geo-centriste aucune.
Chroniqué par
Mathias
le 29/11/2005