En quelques albums
Calexico s’est imposé comme un groupe capable d’un grand écart en équilibre entre Mexique et Ouest américain. Auteurs d’une musique patchwork, collectionnant les folklores et s’autorisant des virées vers les espaces pop, jazz ou post-rock, Joey Burns et John Convertino ont su faire abstraction des frontières, façonnant à mesure les contours d’un univers varié et personnel. Nouvelle étape dans leur voyage musical, ils confrontent aujourd’hui leurs aspirations aux compositions d’
Iron & Wine, nom derrière lequel se cache le seul Sam Beam. Une rencontre miraculeuse entre le songwriting de Beam et la fanfare bigarrée de Tucson. Le temps d’un EP – qui se prolongera par une tournée commune à travers les USA – ces deux univers cohabitent pour donner naissance à une country légère, teintée de pop.
Durant un peu moins de trente minutes,
In the Reins donne à voir un Far West paisible, prenant la forme d’une country débarrassée de ses dérives traditionnelles, leur préférant le souffle mélodique des compositions d’
Iron & Wine. La famille
Calexico y ajoute son savoir-faire, s’intégrant parfaitement à l’ensemble. Du jeu de batterie parfait de John Convertino (en particulier sur le superbe
He lays in the reins) à la trompette en sourdine de Jacob Valenzuela (
Burn that broken bed), en passant par la pedal steel de Paul Niehaus, les inspirations diverses du groupe se greffent par petites touches sur les chansons d’
Iron & Wine. Mais à côté de ces ballades de cow-boys sensibles, c’est aussi lorsque la musique s’ose vers des territoires plus pop que
In the Reins vit ses plus beaux instants. Ainsi,
Prison on route 41 entraîne l'auditeur au rythme lent de la valse, chantée puis sifflée en duo avec l'harmonica, sur quelques notes de banjo. Quant à
History of lovers, le morceau démarre au quart de tour sur un rythme enlevé, pour s’envoler ensuite sous l’impulsion enjouée de la section cuivres. Une ballade prompte à taper du pied, le sourire béat. Enfin, plus qu’un mariage d’espaces, c’est la rencontre entre la voix de Sam Beam, plus éthérée que celle de Burns, et les ambiances de
Calexico qui séduit ici. Une voix qui colle parfaitement aux climats dessinés par la musique, offrant une légèreté aérienne à l’ensemble. Qu’elle se confronte au style mariachi de Nick Luca (
He lays in the reins) – pour un duo étrange, comme schizophrène, qui fonctionne pourtant – ou se marie à celle discrète de Nathalie Wyants (
Sixteen, maybe less), la voix de Beam habite à merveille l’écrin façonné par
Calexico. Mieux encore, c’est elle qui donne le ton et entraîne à sa suite celles des autres membres du groupe sur le superbe – et quasi acapella –
Dead man’s will, magnifique et ultime piste du disque, comptine mélancolique à reprendre au coin du feu.
Rencontre réussie et inspirée,
In the Reins ne cède jamais à la facilité qui aurait consisté à singer l’univers de chacun, mais joue parfaitement la carte de la collaboration, accouchant d’une country douce esquissant un Ouest rêvé. Comme un western au ralenti, invitation à une balade au grand air, à se donner des allures de cowboy en chevauchant une monture imaginaire.
Chroniqué par
Christophe
le 29/10/2005