Avec
Rest et le fameux maxi
Beau Mot Plage,
Isolée affichait déjà son envie de faire danser les gens en jouant sur les contrastes, en marge de la vague électronique minimaliste. Son premier opus débordait alors de sonorités clair-obscures et élastiques, qui réapparaissent aujourd’hui dans un exercice au moins aussi audacieux, entre techno minimale, house, ambient et electronica.
Plus qu’un disque,
We Are Monster est en effet un véritable labyrinthe, au sens où l’entendait Alain Robbe-Grillet quarante ans plus tôt. Ici, les sons se succèdent dans une fausse ressemblance, se renversant à mesure que se chevauchent ces textures synthétiques, ces « choses dont on se rappelle parfois », et qu’
Isolée adore faire disparaître et réapparaître. L’exemple le plus éloquent survient en tout début de parcours, avec la boucle de guitare et les clicks de
Scharpnell, qui semblent se disputer l’espace avec un beat dense, porté par une nappe atmosphérique et omniprésente. Dès cet instant,
We Are Monster pétille d’ingéniosité et de finesse, multipliant les échantillons (bruits urbains, gouttes d’eau, voix saccadées) comme des bulles dans un long gin tonic sur le superbe
Jelly Baby/Fish, et s’abandonnant à une techno nettement plus contemplative avec les clicks et les nappes de
Pillowtalk.
Entre parades audacieuses et autres effets de style,
Isolée crée ainsi un monstre à l’image de la musique électronique actuelle, débutant autour d’une construction minimale pour mieux se transformer en de petites merveilles groovy, et ouvertement pop sur le magnifique
Today. Reste évidemment cette touche mystérieuse, cette ambiguïté sonique qui impose
We Are Monster comme une énigme vers laquelle l’auditeur ne cessera de revenir, porté par un narcissisme qui n’est pas vraiment le sien, ou qui le deviendra bien assez tôt.
En écoute sur
le site d'Isolée.
Chroniqué par
David Lamon
le 14/07/2005