Avec le grandiloquent
Draft 7.30, l’affaire semblait entendue ; nous sommes alors en 2003, et
Autechre donne l’impression de tourner en rond, de composer sans parvenir à surprendre son public de la même manière que par le passé. Moyennant quelques rares instants d’éclat, un mince espoir demeure, mais la tendance générale évoque le terme de la carrière de ce binôme de légende. La sortie
Untitled s’inscrit dans la continuité de ce débat. En résumé,
Autechre peut-il encore repenser son univers sonique, ou plutôt, doit-il forcément le repenser pour présenter un disque à la hauteur de ses prédécesseurs ? De toute évidence, la question divise, mais il serait malvenu de faire l’impasse sur ces huit nouveaux titres, réussis pour la plupart sans marquer pour autant une rupture avec les productions précédentes.
Première illustration avec les rythmiques rapides et saccadées de
LCC, qui replongent l’auditeur plusieurs années en arrière, dans les délicieux méandres de
LP5 et
Chiastic Slide, avant de se muer en une pièce d’ambient glaciale, à peine rythmée par les derniers sursauts d’une bouncing ball usée. Dès lors, l’ambiance devient plus pesante, navigant entre la déstructuration permanente de
Gantz Graf et
Confield sur la première moitié de
Pro Radii et la totalité de
Augmatic Disport. Les instants de répit se font rares, mais restent néanmoins superbes, comme le changement de rythme à la quatrième minute de
Pro Radii, lorsque la basse se fait plus discrète, et la nappe de fond semble se disputer les derniers instants du morceau avec un beat froid et saturé.
Ce petit jeu se poursuit et tire en longueur sur le dispensable
Iera, donnant à mi-parcours le sentiment mitigé d’un disque qui hésite entre un parti-pris ambient et des rythmiques plus dynamiques. Un début de lassitude se fait sentir, lorsque soudain surviennent les premières notes de
Fermium, et son rythme pitché juste comme il se doit, auquel viennent s’ajouter les effets d’usage et une ligne de basse fort gourmande. La charmante récréation sonore ne durera pourtant que cinq petites minutes, le temps d’entrevoir les premières percussions aride de
The Trees. Véritable manuel de déconstruction façon
LP5, cet agencement de sonorités acid et minimales s'articule autour d'un murmure lointain, contrastant à merveille avec la précision de la rythmique au premier plan. Malheureusement,
Sublimit ne parvient pas à réitérer ce tour de force, et manque la tentative pourtant alléchante du morceau évolutif, en laissant le disque se clore sur un decrescendo décevant. On attend alors la ghost track qui ne viendra jamais, et éteint sa platine de la même manière qu’à la fin d’un concert à la fois plaisant et amputé du rappel unanimement plébiscité par le public.
Probablement que ce sentiment disparaîtra avec l’envie de rejouer un disque durant lequel le binôme
Autechre donne une forte impression d’assurance, en osant varier les plaisirs et autres clins d’œil à leur discographie touffue. Trop familier pour se prétendre indispensable, cet album séduit donc sans surprendre, sacrifiant l’impératif d’écoutes prolongées pour mieux célébrer l’instantanéité, tout en parvenant à s’offrir quelques futurs classiques. Les puristes feront sans doute le tri, prétendant que rien n’est plus pareil, tandis que les autres leur répondront que ceci n’est pas forcément dramatique.
Chroniqué par
David Lamon
le 18/05/2005