Une des choses qui font que la musique actuelle est si excitante, c’est qu’il arrive que s’y mêlent avec bonheur des sonorités que l’on a trop souvent tendance à cliver en les rangeant dans des catégories distinctes comme pour ne plus se poser la question de leurs relations et de leur possible synthèse.
Lorsque le mélange a lieu, ce qui se produit est une musique enrichie, multiple du point de vue de ses sources, une musique qui peut mobiliser aussi bien les ressources sonores de l’acoustique et de l’électrique que de l’électronique. L’espace sonore est ainsi élargi, multiplié par le nombre de ses sources : il n’apparaît pas comme quelque chose de fixe, comme un donné, mais bien plutôt peuplé d’événements à la complexion constructible au gré des juxtapositions, des additions et des entremêlements possibles.
C’est ce qui ressort de l’écoute de
Gusty Winds Exist de
Poney Club. Dès
Brrussels et
Tortoro se dessine cette instabilité créatrice produite par la juxtaposition des sources sonores. Celle-ci agit en retour sur la composition des morceaux qui mêlent des éléments discursifs, facilement identifiables, et que l’on peut fredonner à l’occasion (comme c’est notamment le cas dans la seconde partie de
Tools & Western) et des sonorités plus ambiguës, des vibrations assourdissantes, des ondes qui se transforment insensiblement (sonorités qui sont synthétisées avec des éléments soit électriques comme sur
Bullcat et
Mo’rice soit acoustiques comme sur
Kolkota).
Arrêtons-nous sur
Sand : clavier et guitare y installent une structure qu’un violoncelle filtré développe. La batterie scande triolets et quartolets. Une guitare slide saturée à outrance aux cordes maltraitées vient interrompre ce concert qui, au terme de cet intermède, reprendra d’une manière plus intense et avec plus d’ampleur. Ainsi, même si des morceaux comme
P. Bell ou
Wisteria fonctionnent sur le schéma plus classique de la rupture dans la continuité, tous les traits évoqués sont en quelque sorte des signes et des symptômes du fait que, dans la musique de
Poney Club, chaque élément introduit n’est pas une couche supplémentaire simplement ajoutée tel un vernis sonore ou une simple ornementation, mais bien une nouvelle orientation et une mise en question de l’orientation précédente.
Comme à part,
Shaïla fait entendre, le temps d’un couplet, une puissante voix masculine — peut-être une de ses rafales de l’existence desquelles
Poney Club veut nous assurer.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 17/01/2005