Comme allant de soi, les efforts récents du mythique preneur de son Rudy Van Gelder déployés pour remasteriser certains de ses anciens enregistrements permettent aujourd’hui à Blue note de tirer profit d’une série intitulée "the Rudy Van Gelder edition". Parmi les disques réédités,
Black Fire d’
Andrew Hill.
L’intention est claire, qui est celle de déployer une autre avant-garde que celle défendue par le free, et la méthode réfléchie : embaucher le batteur
Roy Haynes (côtoyant
Roland Kirk,
Henry Grimes...), le bassiste
Richard Davis (compagnon de jeu de
Dolphy), et
Joe Henderson (dont le saxophone oublie peu à peu les maîtres
Rollins -
Coltrane pour des élucubrations plus sages jouant sur les répétitions et les harmoniques).
Le 8 novembre 1963 est enregistré
Black Fire, qui, dès le premier morceau, avoue sa soumission aux basses. Celles de
Richard Davis, évidemment, mais surtout celles, redondantes et imposant la forme musicale à suivre, d’
Andrew Hill (
Pumpkin,
Subterfuge,
Land of Nod). L’impression qui se dégage des thèmes confronte chacune des mélodies à certaine sorte d’incantations musicales, de répétitions envoûtantes, qu’elles viennent d’un Haïti fantasmé (
Cantarnos) ou demandent humblement le parrainage d’un
Monk idéalisé (
McNeil Island).
Car c’est à une avant-garde du passé – pas d’antinomie ici -, et celle de
Monk justement, que le quartet rend hommage. Pas forcément en réaction au free de l’époque, mais en proposition alternative et changeante, répétant sur chaque morceau que l’innovation ne peut se faire sans acquis et sans modèles, et ne se fait parfois qu’avec.
Un album comme une proposition, de celles dont
Andrew Hill a l’habitude. Comme lorsqu’il démantèle son quartet pour mieux arriver à ses fins, se passant tout à coup des services de
Joe Henderson (
Subterfuge,
Tired Trade) ou de
Roy Haynes (
McNeil Island). L’époque demande le changement, ou du nouveau. S’attaquer à sa propre formation augure déjà du reste.
Black Fire pose sept morceaux (et deux prises inédites), autant de preuves d’une modernité plurielle.
Chroniqué par
Grisli
le 21/11/2004