Drugs Karaoke ou la pertinence d'un groupe jeune et inspiré. Première belle surprise : ça vient de France. Autre belle surprise : le post-rock fourni par le groupe est loin des univers existants de la constellation canadienne. Laissons la magie "godspeedienne" à
GY!BE !
Loin de cet univers tourmenté, glauque et grandiose nord-américain, notre petit groupe toulousain développe une musique libre et volatile, sautillante et gracieuse. Et quoi de plus félin qu'une clarinette, quoi de plus libre qu'un saxophone ? C'est en cela que
Drugs Karaoke sonne si différent. Ces instruments, mêlés à une base rock (guitare/basse/batterie), accompagnés ça et là de cordes classiques (violoncelle/violon), forment un univers personnel intéressant et diversifié.
Le ton est d'ailleurs donné dès les premières notes de l'EP, avec le mystérieux
The Rirkrit Tiravanija Song où guitares et basses se font vite dominer par un saxo entreprenant, assumant parfaitement son rôle de chef d'orchestre hypnotique. Derrière, batterie, guitare, basse et chant ne font qu'un, énergiques et immuables.
Puis suit le mélancolique
Nin. Une mélodie quasi fataliste de la guitare sèche, un violoncelle lancinant et un xylophone enfantin démarrent ce morceau, puis se muent progressivement dans une ambiance électrique dynamique, et finissent (retombent ?) comme ils ont débuté. Fatalité ?
L'interlude qui suit confirme ce sentiment de doute : incompréhensible chant sur musique à reculons... Oui, le tout a été mis à l'envers... Amusant.
Mobile-Home sonne comme un freestyle taquin, sautillant, une danse arabique lorgnant ça et là du côté du jazz très rock, à moins que ce ne soit l'inverse. On est comme envahi par les visions que nous offre cette musique. Nul doute que les couleurs chaudes et froides de ce morceau y sont pour beaucoup. La chaleur du saxophone aux allures orientales mêlée à la froideur d'un rock électrique noisy crée un sentiment de confusion tel qu'on se laisse guider inconsciemment par le rythme.
Enfin, pour terminer cet (non je ne qualifierai pas ce disque tout de suite...) EP, le très relaxant
Inginla s'offre à nous, comme une bonne douche après un dur effort. Une fin toute en douceur et en simplicité, avec un chant quasi androgyne qui n'est pas sans rappeler des atmosphères de
Cyann & Ben ou de
Low. Musicalement c'est délicat, même les montées de guitares électriques ne choquent pas l'oreille, ni ne troublent la quiétude de ce moment qu'on voudrait sans fin.
Cette touche de sérénité clôt ce très joli premier EP d'un groupe plus que prometteur, apportant une réelle fraîcheur dans cette vague post-rock dont on dit qu'elle tourne en rond. L'apport de "nouveaux" instruments comme les instruments à vent (sax/clarinette) est une des pistes explorées par
Drugs Karaoke et il semble que le chemin soit confortable et plein d'avenir.