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Autechre

: @ Le Trianon - 06-04-2024



Treize ans après leur dernière prestation dans la capitale, le duo anglais emblématique de l'IDM Autechre est revenu nous rendre visite pour nous donner une leçon magistrale..

C'est bête de ma part mais assister pour la première fois aux concerts de mes artistes de chevet reste une expérience que j'appréhende souvent. Par crainte d'être déçu et, de ce fait, par crainte de sentir cette déception démystifier le mythe. Il me faut pourtant franchir le pas car les grands artistes musicaux sont justement ceux qui à mes yeux savent se déployer pleinement sur album autant que sur scène, complémentant ainsi l'expérience d'écoute par une forte expérience de vie. C'est alors cet essai transformé que je me devais de vérifier immanquablement pour le cas Autechre, duo emblématique de la scène IDM que je creuse depuis 2010 avec la paire Oversteps / Move Of Ten et pur GOAT en matière de musique électronique de pointe dont le dernier concert dans la capitale remonte à treize ans.

Tel qu'indiqué sur une poignée d'écriteaux accrochés au mur du hall amenant à la salle de concert, Autechre se produira comme à son habitude dans l'obscurité la plus totale, si l'on excepte les quelques lumières hérétiques provenant parfois de nos smartphones. Ce parti pris est plutôt le bienvenu pour ce genre de prestations scéniques qui, sans les artifices visuels d'usage, se réduisent finalement à voir des silhouettes prostrées sur leurs PC portables ou se dandinant derrière un amas de bidouillages électroniques. Je découvre en première partie Aho Ssan, jeune compositeur parisien répondant au nom de Niamké Désiré et plaçant d'emblée la barre assez haut via ses salves electronica oscillant entre glitch, dark wave et techno déstructurée. Son set puissant vient nous immerger doucement dans le bain sonore de la soirée et nous prépare à la claque qui va suivre.

Toujours dans l'obscurité, je suis pour ma part installé au centre de la fosse, un peu devant mais pas trop quand même car les quatre grosses enceintes sur pied placées sur scène pour cacher l'installation d'Autechre en imposent. Quelques fumigènes plongent la pénombre du Trianon sous un brouillard tout aussi menaçant que le drone nous faisant patienter avant l'arrivée des anglais. Ça y est c'est parti, le son est énorme et vient percer nos tympans de beats cadencés à la limite de l'abstract hip-hop.

Ma première claque concerne l'acoustique de la salle, cette dernière ayant su parfaitement retranscrire l'intensité, la densité, l'exigence, la complexité voire l'agressivité du set d'Autechre sans me procurer d'acouphènes, ou si peu. Le point limite du volume sonore est toutefois atteint pour que l'expérience live prenne tout son sens et l'aspect "trop cérébral" que certains reprochent à la musique du groupe entre ici dans une nouvelle dimension plus organique. Ce qui sur disque s'adressait à la tête va en effet s'adresser également au corps en faisant vibrer mes organes aux rythmes désarticulés du duo et, des os du nez aux articulations des genoux en passant par le petit gras du bide, il s'agissait littéralement de "faire corps" avec le set proposé par Autechre.

Et la musique dans tout ça ? Magistrale. Plus d'une heure de transe discontinue nous faisant perdre la notion du temps et nous plongeant à l'intérieur d'une machine métallique rugissante et défectueuse dont on entendrait précisément tous les rouages. L'obscurité dans laquelle nous sommes plongés incite forcément à se concentrer exclusivement sur la matière sonore voire à se questionner sur notre rapport intime envers celle-ci. Avec Autechre, le spectacle vivant n'existe que par le son, puisque le son est lui-même vivant, toujours mouvant, toujours mutant. Entre la moitié et les deux tiers du set, l'intensité sonore, qui était déjà à son acmé dans une sorte de master class IDM, monte encore d'un cran et s'emballe complètement, et le public avec. Le monstre électronique devient tentaculaire et régurgite des déflagrations hallucinantes. Je me dis à cet instant que la musique d'Autechre, dans ses excursions les plus radicales et "imbeatables", pourrait convertir des amateurs de free jazz, de métal progressif voire de harsh noise si ce n'est pas déjà fait.

Puisqu'il n'y avait rien à voir mais tout à ressentir, j'ai depuis un bon moment fermé les yeux en pensant m'être téléporté dans une rave berlinoise détraquée avec les effets de la drogue dure mais sans drogue dure, Autechre s'occupant de fournir sa came par voie musicale. Fin du set. Quelle heure est-il ? Où suis-je ? Qui suis-je ? Un fan d'Autechre conquis pour la vie.



par Romain
le 09/04/2024

Tags : Autechre | Trianon | IDM

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1 commentaire

par Tom Rad-Yaute (le 25/04/2024)
Ca donne envie !
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