Plus que quelques heures. A mesure que le compteur avale les kilomètres et que s'enchaînent les pistes de
Tri Repetae, l'impatience grandit :
Autechre, véritable institution de l'IDM, joue ce soir à l'Usine, accompagnés de deux collègues de Skam et des rappeurs de
Subtitle. Pourtant, l'euphorie n'est pas de rigueur. A ce stade de l'aventure, les pensées convergent vers la journée de travail du lendemain, et une question revient sur toutes les lèvres : à quelle heure pourront-ils allumer leurs laptops ?
Réponse immédiate devant le guichet : minuit et demi. Dans la file d'attente, on me glisse à l'oreille que lors de leur dernier passage en Suisse, ces messieurs se sont fait désirer durant trois heures, exigeant l'extinction de toutes les lumières, et refaisant leurs sound checks dans un doux rituel. A 21 heures tapantes, la nouvelle ne me séduit qu'à moitié… A l'intérieur du PTR de l'Usine, les basses résonnent, et
Subtitle tentent de chauffer les premiers venus à grand coups de rap version Galapagos. Pas vraiment emballé par leurs digressions, je me dirige au premier pour boire quelques bières, en lisant la chronique de Zetracker dans le dernier longueur d'ondes. Au milieu de la foule, quelqu'un esquisse un sourire et dépose une clef sur ma table. " C'est peut-être la clef du paradis ". Touché et amusé, je le remercie et lui promets de chercher la porte au plus vite.
22h30, retour au PTR, où la foule a pris ses aises. Discussions d'usages, échanges de quelques mots sur le dernier maxi de
Para One avec
Tekilatex et
Cuizinier, et
SND commencent leur set. La musique, mélange usuel de basses lourdes et de longues nappes, est très agréable, parfaite même pour se détendre au fond de la salle, et sait se faire plus incisive à mesure que l'heure avance. Dernier titre sur un beat pitché de
LFO, et le DJ
Rob Hall revient pour la dernière fois, avant le véritable début des hostilités.
La transition traîne, puis subitement, les lumière s'éteignent, ne laissant pour seul éclairage les deux bougies qui entourent un laptop posé sur la scène. Il est minuit trente pile,
Autechre honore la fausse ponctualité helvétique avec un beat incisif, entrecoupé de clicks, et dominé par une nappe gourmande. Je suis déjà conquis. Durant plus d'une heure, les titres défilent avec une facilité déconcertante, entre les rythmiques rapides façon
Accroyear et les atmosphères plus sombres de
Draft 7.30. Sans surprise, les dernières productions du groupe dominent l'ensemble, et engagent les deux compères dans un crescendo sans compromis. Portés par la foule,
Sean Booth et
Rob Brown surenchérissent leurs basses, affinent leurs clicks et s'engagent dans un set nettement plus grinçant. Le volume explose, chaque son se vit comme un coup de poignard dans la poitrine, et devient un véritable défi pour le public. Abasourdie, une amie s'exclame : " c'est vraiment le stade ultime du post-modernisme, repousser les limites à ce point, pour forcer le public à sortir ". Remarque fort pertinente, et devant la motivation croissante de l'auditoire, ce petit jeu ne semble pas avoir de fin.
Je quitte pourtant le PTR toujours inondé de basses peu avant 2h, , une heure de trajet et un réveil programmé à 7h ayant raison de l'issue de cette prestation sans aucun reproche. Oui,
Autechre méritent pleinement leur statut de légendes, et ils ont encore beaucoup à apporter à l'electronica en 2005, et ce pour le plus grand bonheur de l'industrie des protections auditives.