Cela fait presque 30 ans que Buffalo Daughter a branché guitares et batterie à des appareils électroniques incontrôlables, afin de créer une musique hybride et originale. Après un dernier album disco-revival Konjac-tion en 2014, marqué par de nombreuses collaborations (avec notamment Fuzati du Klub des Loosers ou encore Shintaro Sakamoto), les tokyoïtes reviennent avec un album plus froid, plus radical.
Le groupe est plutôt réputé pour ses compositions pop, rock et électroniques, très souvent sur des rythmiques disco (Pshychic A-Go-Go), à la fois chaleureuses et naïves (comme le très catchy Bird Song). Avec We Are The Times, c’est une facette plus enlevée du trio qui se révèle, peut-être même plus sombre et mélancolique, dans la veine de The Weapon of Math Destruction, leur album de 2010. Le titre Global Warming Kills Us All illustre bien cette impression : le robot qui sifflait comme Frank Sinatra semble avoir pris ici un bon coup de blues.
Blues, certes, mais de quoi ? Très certainement d’une vie en 2021 marquée de fléaux contemporains (le réchauffement climatique, ou encore la pandémie sur Music). On imagine donc que les musiciens expriment sur ce huitième album une synthèse de leur vision du monde.
La pochette semblable à la neige d’un écran cathodique nous amène directement dans cette ambiance à la fois nostalgique (Jazz) et révoltée – Et (Densha). Les titres sont très vivants et organiques, ce qui est surprenant quand on sait qu’il s’agit là principalement de l’œuvre de machines, synthétiseurs et autres claviers électroniques.
We Are The Times dessine donc tout au long de ses neuf titres les contours de son atmosphère obscure et doucereuse. En atteste le cathartique morceau central de l’album Loop (« Boucle » en anglais, un terme que connaît bien le groupe). Le titre envoie l’auditeur dans une course effrénée, vers toujours plus de d’excitation et d’adrénaline… Ou alors est-ce là la fuite d’une réalité trop dure pour être vécue ? Quoiqu’il en soit, Buffalo Daughter reste plus que jamais lucide sur son temps comme sur son potentiel musical, toujours aussi juste et unique.