Multi-instrumentiste originaire de Toronto, Charles Spearin est essentiellement connu pour être à l'initiative de deux formations canadiennes majeures : Broken Social Scene et les géniaux Do Make Say Think. Ces derniers développaient un post-rock aux accents jazz, forcément marqué par les premiers albums de Tortoise, et sortirent pendant les années 2000 une poignée d'albums ayant fait les plus belles heures du label Constellation. La positivité (toute relative) de leurs compositions tranchait notamment avec les musiques crépusculaires des quelques formations signées par la maison, Godspeed You ! Black Emperor et A Silver Mount Zion en tête.
Plutôt discret, Charles Spearin n'en est pourtant pas à son premier effort solo puisqu'il nous offrait en 2009 un bel album à la confluence du jazz et de l'avant-garde qui surprenait par son concept. Via une utilisation savante du découpage, du montage et de la juxtaposition des sons, le compositeur faisait émerger de la musicalité à partir de voix parlées, celles de ses propres voisins qu'il avait alors interviewé sur le sujet éternel du bonheur. Poétique et altruiste, l'exercice de style proposé par The Happiness Project n'était pas sans rappeler les futures œuvres de Chassol, usant du même procédé pour l'emmener vers d'autres formes d'émerveillements (ici ou là).
My City of Starlings est quant à lui un album plus généreux que son prédécesseur, il comblera certainement le manque à l'appel de Do Make Say Think toutes ces dernières années et la déception de son retour en 2017 avec le disque Stubborn Persistent Illusions. Officiant à la basse, à la guitare et à la trompette, Charles Spearin nous livre ici une large collection de morceaux instrumentaux (ou presque) fonctionnant comme des bulles d'impressions et d'humeurs changeantes. L'album brouille les pistes, renouant parfois avec la vitalité olympique du post-rock d'antan (le groovy Portrait of The Artist As A Thursday, Rutting Season ou encore Death By Onomatopoeia et ses envolées cuivrées) puis se permettant quelques instants de flottement et de grâce (Vireos In Bellwoods et la suivante Three Voices, ou la planante The Morning Dew Lay Heavy On The Grass flirtant avec l'univers du trompettiste norvégien Arve Henriksen).
Enfin, on retrouve surtout sur My City of Starlings de pures décharges émotionnelles qui auraient clairement eu leurs places sur des albums de Do Make Say Think : citons Diaspora ci-dessous et l'enchaînement When Tigers Used To Smoke / My Heart Is An Appaloosa In Canter qui culmine au cœur de l'album. Pas de nouvel album de Do Make Say Think à l'horizon mais qu'on se le dise, ce fabuleux My City of Starlings composé par l'un de ses membres fondateurs fera amplement l'affaire.
Chroniqué par
Romain
le 15/08/2021