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Purple Mountains

: Purple Mountains



sortie : 2019
label : Drag City
style : folk / rock

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Tracklist :
01/ That's Just The Way That I Feel 02/ All My Happiness Is Gone 03/ Darkness And Cold 04/ Snow Is Falling In Manhattan 05/ Margaritas At The Mall 06/ She's Making Friends, I'm Turning Stranger 07/ I Loved Being My Mother's Son 08/Nights That Won't Happen 09/ Storyline Fever 10/ Maybe I'm The Only One For Me

Quelle qualité de vie tiennent les artistes que l'on affectionne tant durant le sommeil paisible de leurs albums sur nos étagères ? A cette question que l'on se pose hélas trop rarement, David Berman y apporta une réponse définitive: ce dernier allait très mal. Ce fut cet été la douche écossaise qui remua la petite sphère indie-rock américaine et la plongea dans un certain désarroi. Après onze ans de silence discographique, le fondateur de Silver Jews, groupe de folk rock lo-fi affilié aux géniaux Pavement et à son ami Stephen Makmus ayant livré dans les 90's quelques disques cultes (The Natural Bridge, American Water), revenait en mai dernier avec un nouveau projet solo, Purple Mountains, et un album somptueux à la clé. Traînant avec lui une dépression noire depuis de nombreuses années, le compositeur et poète semblait autant revenir à la musique qu'à la vie mais celui-ci mis fin à ses jours en août dernier à l'âge de 52 ans, peu de temps avant d'entamer une tournée avec sa nouvelle formation. David Berman rejoignait ainsi brusquement le firmament des grands songwriters folk américains déchus que furent Elliott Smith, Mark Linkous de Sparklehorse, Vic Chesnutt ou dans une moindre mesure Nick Talbot de Gravenhurst.

Cette tragédie jeta tout d'abord un voile noir sur ce qui devait être l'album de la renaissance, et qui sait de la reconnaissance. Elle transforma ensuite un geste artistique d'ampleur nouvelle en chant du cygne bouleversant et nous amena dans la même lancée à nous demander dans quelle mesure les œuvres dites posthumes peuvent affecter notre jugement. Il est en effet impossible de séparer cet album et ce qu'il raconte du drame qui s'en est suivi, surtout lorsque son auteur semble passer ici en revue tous les démons auxquels il est en proie dans une forme de résignation. Cependant, si certains artistes semblent accoucher de leurs plus beaux disques -du moins les plus intenses ou radicaux- dans la douleur, on espère profondément qu'une œuvre comme celle-ci fut d'abord une tentative de reconstruction et non de destruction, une tentative de se raccrocher à la vie via la musique pour un David Berman au bord du gouffre. C'est d'ailleurs peu dire que nous aurions apporté un large soutien à cette reconstruction lors des concerts et que la deuxième tragédie dans cette histoire est un peu la nôtre, celle des fans orphelins coupés dans leurs élan d'amour à donner à un artiste qu'ils ne pourront jamais remercier comme il se doit.

Ne nous reste alors plus que l'album, un album à mille lieues des chansons brinquebalantes du passé puisque magnifiquement arrangé. La voix de David Berman n'est plus celle du beautiful loser d'antan, elle est grave, d'une gravité littérale, ankylosée par tout le poids d'une existence dont il souhaitera finalement se délester. "The end of all wanting, is all I've been wanting, and that's just the way that I feel" déclame t-il sur le morceau ouvrant l'album dans un accueillant retour au source folk americana avant d'entamer l'éloquent All My Happiness is Gone sauvé de la noirceur par un mellotron lumineux. La suite est tout aussi poignante et poursuit un storytelling des grands malheurs : la rupture amoureuse sur Darkness and Cold ("The light of my life is going out tonight without a flicker of regret, The light of my life is going out tonight and she don't look too depressed" ), la disparition d'une mère aimée inconditionnellement sur la bouleversante I Loved Being My Mother's Son ("She was she was she was"), la solitude et le sentiment d'être abandonné de tous sur I'm the Only One for Me ("If no one's fond of fucking me, maybe no one's fucking fond of me. Yeah, maybe I'm the only one for me").

Toutefois l'album oppose à la dureté et à la crudité des paroles du compositeur un soin méticuleux dans les arrangements des chansons. On se souvient du retour difficile de Peter Milton Walsh à la musique après le deuil impossible de son fils décédé via son sublime No Song No Spell No Madrigal de The Apartments en 2014 ("Where's the God in all of this?" répétait-il sur Swap Places). David Berman reste lui aussi épaulé par une poignée de musiciens talentueux lui donnant dans cette étape complexe la force de nous offrir quelques sommets classieux tels que les lancinantes Snow is Falling in Manhattan ou Nights That Won't Happen et ses choeurs élégiaques. Sur cette dernière, Berman y chante notamment "All the suffering gets done by the ones we leave behind/Toutes les souffrances sont faites par ceux que nous laissons derrière nous" soit une de ces phrases gorgées de sens qui résonnent différemment aujourd'hui. Ces montagnes violettes n'étaient certes qu'illusoires et en partie hallucinées par les antidépresseurs, et n'auront pas réussi à libérer David Berman de ses souffrances, mais ce dernier nous aura offert dans son dernier souffle un authentique chef d'œuvre qui ne dormira pas sur nos étagères mais dans notre chevet.



Chroniqué par Romain
le 16/09/2019

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