Il n'aura fallu qu'un an à peine pour que Ought livre un successeur à More Than Any Other Day, l'album qui les a révélé au petit monde de l'indie-rock. Il faut dire que ce quator montréalais est animé par une urgence et une énergie qui, de The Fall à Talking Heads, voit certains trublions du courant post-punk en première ligne dans son rétroviseur. Le groupe emprunte aux premiers ce chant teigneux mi-parlé de Mark E. Smith, la voix de Tim Darcy y faisant indéniablement penser; et aux seconds quelques mélodies plus solaires (l'excellente Passionate Turn) mais surtout un artwork do it yourself et typiquement punk. Heureusement, avec ce Sun Coming Down mettant littéralement le feu aux flammes, Ought ne se réduit pas à quelques influences trop appuyées et ne fait que confirmer tous les espoirs placés en eux. C'est tout ce qu'on leur demandait.
Ought, c'est quatre garçons dans le vent. Un vent de fraîcheur tout d'abord pour le label Constellation qui s'était pendant un temps éparpillé à travers pléthore de side-projects plus ou moins dispensables ayant pour dénominateur commun le groupe tentaculaire Godspeed You! Black Emperor. Un vent de révolte ensuite lorsque la grève étudiante québécoise a vu le jour en 2012 et dont Ought se fit un reflet évocateur et distant plus qu'un porte-étendard. Car de cette révolte et de la force qui en découle, le groupe tend dans sa musique à y donner une certaine mélancolie d'après combat que l'on pourrait grossièrement nommer "maturité".
Mature, cette nouvelle jeunesse sonique l'est à n'en pas douter lorsque l'on voit avec quelle aisance ils ingurgitent et digèrent leurs références issues du post-punk et d'autres courants rock plus récents comme la lo-fi ou le rock noisy (Sun's Coming Down et son mur de guitares saturées), tout ça dans des morceaux aux structures alambiquées dépassant souvent les 5 minutes. Pour ce dosage très équilibré entre la spontanéité du punk et une certaine sophistication, Ought est clairement un bel enfant du post-punk. On souhaiterait qu'ils gardent cet équilibre encore longtemps car rien ne sonne ici comme ce qu'aurait pu donner à entendre des premiers de la classe ayant bien révisé leur leçon comme ces groupes des années 2000 qui essayaient de refaire de la no-wave alors qu'ils savaient parfaitement jouer de leurs instruments. "On devrait appeler ça de la yes-wave" disait même Thurston Moore.
Voilà dans cette constellation une étoile naissante dont la lumière brille plus que les autres, on espère juste qu'elle ne soit pas près de s'éteindre.
Chroniqué par
Romain
le 15/09/2015