Ce n'est sûrement pas un hasard s'il y a maintenant vingt ans, le trio berlinois avait choisi un palindrome pour leur servir de nom. Comme ces fameuses phrases qui se lisent à l'endroit comme à l'envers, la musique de To Rococo Rot a toujours été une route à double sens, construisant un pont solide entre instrumentations organiques et électronica robotique. La frontière entre les deux y est parfois si mince qu'on se demande quels ont été les vecteurs et les origines de certaines compositions. Les instruments (guitare, basse, batterie) inspirent ainsi la programmation et vice versa selon un mécanisme semblant aléatoire.
Auteurs de beaux disques comme The Amateur View ou Music Is A Hungry Ghost au tournant des années 2000, To Rococo Rot a travaillé au fil de ses albums une musique entre deux eaux, que ce nouvel opus ne vient qu'en partie perturber. En effet une nouveauté vient rejoindre l'électro post-rock bien ancrée du groupe, un autre "instrument", et non des moindres, puisqu'il s'agit de la voix du génial Arto Lindsay. Le new yorkais vient refaire grincer sa guitare sur l'interlude Sunrise et pousse la chansonette sur trois morceaux d'excellente facture. C'est peu dire que la suavité bossanova de sa voix nous avait manqué depuis tant d'années d'absence (son dernier album Salt remonte à 2004). Cela nous fait espérer un retour discographique autre que la compilation Encyclopedia of Arto sortie cette année.
Pour le reste, l'album continue sur la lancée de ses prédécesseurs, alternant les morceaux aux rythmiques légèrement groovy (Besides), ceux plus froids et mécaniques (Pro Model) ou à la lisière du glitch mélodieux - mais plus vraiment glitch - du Oval actuel (Gitter). Instument est ainsi une réussite de plus dans la discographie singulière du trio.
Chroniqué par
Romain
le 04/08/2014