Le climat du Caucase a semble-t-il été bénéfiques aux quatre teutons de Kreidler, qui dans le courant de l'année écoulée, sont sortis d'un studio de Tbilissi, la capitale géorgienne, avec sous le bras ABC, ni plus ni moins que leur meilleur album.
Loin de Düsseldorf où ils se sont rencontrés en 1994, les Kreidler ont retrouvé la rigueur formelle de leur tous premiers albums et sont parvenus à mettre sur pied six engins au design osseux, aux rythmes métronomiques - hommage appuyé au Dieu Krautrock - loin aussi de Tortoise, auxquels on a pas cessé de les comparer, à tord ou à raison.
Avec ABC, Kreidler se rapproche également de l'esthétique martiale de leur compagnon de label Thomas Klein a.k.a Sølyst, qui sur ses deux albums pour Bureau B (l'éponyme Sølyst et Lead) faisait un emploi particulièrement savant de ses influences dub et ambient, notamment pour peindre des ambiances claustrophobiques à souhait.
Dub, ambient, electronica, post-rok émaillent pareillement le krautrock de Kreidler, lancé plein gaz sur une autobahn souterraine aux reflets blafards. L'atmosphère presque post-industrielle d'ABC se révèle vite un argument imparable, asséné à coups de nappes dissolues, d'arpèges anguleux ou de polyrythmie synthétiques. Une cascade de détails, parfois à la limite du bizarre, qui empêche aussi ABC de tomber trop vite dans les poncifs du genre.
Tout cela combiné - ambiances méphitiques, métriques architecturales, soucis du moindre arrangement - donne lieux à des poussées cinématiques impeccables, à l'instar de la roide Alphabet ou du single Modul, au groove reconduit jusqu'à l'hypnose. Ailleurs, Kreidler se paye même le luxe d'un exotisme ésotérique pas dégoutant avec le titre d'ouverture Nino. Restent les saillies electronica de Destino ou Tornado ansi que les apparitions ambient qui raviront à coup sûr les amateurs de Cluster ou Popol Vuh, comme sur l'éthéré Ceramic.