En rejoignant son compatriote
Thimothy J. Fairplay, ex-
Battant, au sein de
The Asphodells,
Andrew Weatherall s'offre avec éclat une énième jeunesse. On dit souvent que les chats ont neuf vies. Il est possible qu'en la matière, le Dj anglais n'ait rien à leur envier, lui qui, du haut de ses cinquante printemps, doit bien entamer ici sa sept ou huitième.
Imaginez un album qui contiendrait tout le parcours de
Weatherall tient effectivement de la gageure. Pourtant,
Ruled By Passion, Destroyed by Love, en plus de fournir un titre en forme de leitmotiv évident, relève le défi avec insolence. Dans un élan supersonique contre la course du temps, le duo britannique brasse des pans entiers de l'histoire underground de leur pays, des premières saillies de la house music made in Great Britain, aux soubresauts de l'IDM, sans oublier, évidemment, les heures de gloire de la new-wave.
C'est sans compter que
Weatherall n'est pas n'importe quel newcomer élevé au biberon Pitchfork, mais bien un de ces authentiques passagers du temps, détenteur de leur pesant de mémoire collective. A la fin des années 80, le Dj participe au fanzine
Boy's Own, qui balaye de 1986 à 1992 les tendances les plus pointues en matière de house music (et n'oublie jamais de commenter les résultats des matchs de la ligue anglaise). En tant que producteurs, en solitaire mais de préférence accompagné de
Paul Oakenfold,
Weatherall offre une poignée de remixes devenus cultes aux groupes
New Order,
My Bloody Valentine,
The Orb,
Future Sound Of London,
Happy Monday ou encore
Saint-Etienne qui sont autant de composantes de son ADN mutant. Dans un même temps, ce touche-à-tout infatigable, qui enchaîne les projets dans la vague electronica (
The Sabres of Paradise puis
Two Lone Swordsmen chez
Warp records) prête aussi ses talents de producteurs à
Primal Scream pour faire entrer de plein pied les Écossais dans le tourbillon de la dance music mainstream du début des années 90.
Weatherall n'est donc pas un habitué des queues de pelotons, ce qu'il prouve une nouvelle fois sur
Ruled By Passion, Destroyed by Love, album détonnant qui pulvérise en dix titres fulgurants, la frontière communément admise entre new-wave, dance music et cultures D.I.Y., en même temps qu'il pousse jusqu'à sa quintessence l'ésotérisme analogique qui caractérise toute la production rétro-futuriste actuelle. Dans son gigantesque réacteur, la paire
Weatherall/
Fairplay assemblent les nappes de guitares de
New Order aux vagues synthétiques ondoyantes des pionniers de la dance music, relevant leur hybride foutraque de vocals nonchalantes, lignes de basses bondissantes et boites à rythme joliment binaires voir épileptiques. De toutes ces vieilles machines et gimmicks aussi passéistes que légendaires,
The Asphodells fait des hymnes galactiques écrasantes de maîtrise, taillées dans l'exaltante confusion des musiques d'aujourd'hui.
Never There et ses percus ethniques, la martiale
We Are the Axis ou les entêtantes
Another Lonely City et
One Minute's Silence démontrent leur savoir faire en la matière à ceux qui, ne serait-ce qu'une poignée de secondes, auraient osé en douter. Plus raffinés encore, les brûlots instrumentaux
Beglammed et
Skwatch s'envolent dans une orbite tout sauf géostationnaire de laquelle il sera difficile de les dévier. Sur le dyptique
Late Flowering Dub/Lust et
A Love From Outerspace, le duo trouve enfin l'équilibre optimal entre froideur pop et romantisme analogique, pour finir - et avec la manière ! - de faire la nique aux plus prétentieux des revivalistes de la synth-pop et autres poseurs pâlichons sortis de la côte de
Wire ou
New Order.