Le lyrisme éraillé, écorché et exalté de la poésie produite par le trio
Karpienia/Ozdemir/Chemirani pourrait bien sauver la face du Monde. Et quel joli pied de nez à la condescendance de ce dernier de décider d'appeler son projet
Forabandit : fusion volontaire des mots "forabandi" ("être mis à l'écart" en occitan) et "bandit". Un choix programmatique s'il en est : la subversion face à l'enfermement et l'introspection pour mieux lutter.
Aucun gémissements, geignements enflés et emphase surjouée ici, plutôt un chant à deux voix, puissant et apaisant, porteur de vie et d'émotions. Qu'il s'agisse du verbe haut de Clovis Hugues (révolutionnaire marseillais engagé dans la Commune de 1871), des mots revisités de Pessoa ou des histoires amoureuses incontrôlables de Güzide Ana (femme aşık oeuvrant au XVIII° siècle) et Clara d'Anduze (femme troubadour du XIII° siècle), chaque respiration , chaque souffle de Sam et Ulas sont voués corps et âme à la réinvention et la célébration d'une tradition libertaire par trop oubliée et pourtant évidemment essentielle.
Et si les voix, les textes voltigent avec force et passion dans un dialogue tour à tour déchirant et excitant, que dire de la musique du
Forabandit, où sur le chemin qui court de l'Occitanie à l'Anatolie, s’entrelacent et résonnent à l'unisson mandoloncelle, zarb (
Bijan Chemirani au sommet), bağlama ? Que dire si ce n'est qu'elle est au diapason de la prose de ses créateurs passés et présents : accomplie et malgré tout en mouvement perpétuel. Sans cesse renouvelée. A l'instar du plaisir et du courage que procure ce disque sublime et magique.
Chroniqué par
Yvan
le 02/01/2013