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Sturqen

: Raia



sortie : 2012
label : autoproduit
style : musique électro-acoustique / techno

achat/téléchargement

Tracklist :
01/ In
02/ Ummus
03/ Vcd
04/ Riulu
05/ Monte
06/ Vela
07/ Mare
08/ Canario
09/ Musgo
10/ Kepler

César Rodrigues et David Arantes se rencontrent aux Beaux-Arts de Porto à la fin des années 2000 et fondent dans la foulée le duo de musique électronique Sturqen. Dans ce genre d'endroit propice aux idées saugrenues, ils se mettent vite en tête de consoler les orphelins du duo Pan Sonic en redonnant aux oreilles trop brutalement sevrées leur lot de contorsions bruitistes et de beats complètement éclatés. De leur premier album Pirhana paru en 2009 jusqu'à ce récent Raia, leur troisième à ce jour, les deux amis de Sturqen creusent les mêmes abîmes saumâtres que leurs illustres aînés finlandais en mêlant la techno de laboratoire des pionniers à la furia des musiques noise et post-industrielles. Au détail près, leur machinerie 100% analogique comme l'était celle de Pan Sonic, recrache les mêmes constructions réductionnistes et tendues à l'extrême, qu'on croirait ravalées par des engins de démolition. Leur musique colle d'ailleurs très mal aux clichés de cartes postales qu'on reçoit si souvent du Portugal. On verrait plutôt défiler en esprit celui filmé par l'Américain Robert Kramer dans les années 70/80 : un univers de docks miséreux qui puent le trachome et la gnôle bon marché. Tout un programme.

Mais Raia déroute complètement. C'est leur travail le plus cérébral. En 2011, dans une interview accordée au magazine Trax, les deux Portugais nous avaient pourtant prévenus: "Sturqen est avant tout une réflexion sur le son". Néanmoins, le programme demeure plus basique dans les faits : comme chez Pan Sonic, il s'agit certes de célébrer le son pour lui-même, de reconduire la fascination qu'on éprouve à le regarder se transformer sans cesse, comme au microscope. Il s'agit aussi de le passer au feu d'une énergie explosive et terriblement primitive lors de séances d'improvisation qui mettent l'endurance des musiciens comme celles des auditeurs à rude épreuve. Raia plus que ses prédécesseurs est en équilibre précaire, écartelé entre l'abstraction pure et le ludisme bancal de la pop-music d'aujourd'hui, si on peut oser le terme "pop". En laissant cet antagonisme largement irrésolu, Raia parvient à ouvrir des brèches intéressantes dans une synthèse sonore qui apparaissait jusqu'ici, certes d'une redoutable efficacité, mais bien trop figée.

Certains titres comme Mare ou Musgo remettent pourtant les rythmiques IDM sous perfusion électroacoustiques qui ont fait tout le succès de leurs précédentes productions. Kepler offre même l'opportunité aux deux Sturqen de clore leur album sur un morceau de bravoure qui laisse derrière lui une traînée de flamme, comme si les membres d'un groupe de black métal avait remixé la bande-son d'Escape From New-York de John Carpenter. Mais c'est tout.
Ailleurs, Raia plonge dans les méandres cafardeux d'une musique proto-électronique nourries aux murs de saturation, aux essaims de bruits blancs et aux fréquences les plus extrêmes. Tout un bestiaire de sonorités sculptés par les effets des machines, les ondulations des ring modulators et autres sine waves. Dans ce marasme, plus aucune forme n'est vraiment identifiable. L'art du duo réside assurément dans l'expérience pure du son et de ses mutations. Mais une écoute attentive révèle rapidement tout ce que cette musique biscornue a en fait de profondément intuitive et organique. C'est précisément là que l'exercice devient tout à fait passionnant : quand il laisse apparaître tout ce que la musique électronique, celle de Pan Sonic notamment, doit aux expériences décalées et futuristes des pionniers du BBC Radiophonic Workshop. Riulu, Vela ou Canario, qui sont d'ailleurs les titres les plus réussis et les plus singuliers de Raia, ramènent immanquablement aux bricolages des artisans britanniques mais se défont de l'indolence ou de l'enthousiasme post-moderniste qui les caractérisaient à l'époque. Définitivement, Sturqen fait une relecture bien désabusée des piécettes de Delia Derbyshire ou Daphne Oram en évacuant toute nostalgie trop pâteuse. C'est ce qui fait la radicalité et la grandiloquence de la musique de Sturqen, dont la monstruosité et la violence aveugle collent évidemment au temps présent. Au final, les travaux de Sturqen possèdent quelque chose d'atemporel qui définit bien aujourd'hui tout le paysage des musiques électroniques. Plus encore, on a la sensation qu'en remontant ainsi aux origines du genre, le duo trouve à régénérer sa musique, à lui conférer une seconde jeunesse. Ce qui explique en partie le charme étrangement passéiste de Raia et paradoxalement son actualité indiscutable

Raia est en écoute intégrale sur le bandcamp du groupe.

Chroniqué par Mickael B.
le 10/09/2012

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