Et si dans vingt ans , et autant de rééditions dans des formats inconnus aujourd'hui, la hype du moment avouait être venue à la musique à cause de lui ? Alors, mesurera-t-on peut-être la richesse des productions de
Matthew Dear.
Pour l'instant, ce sont surtout ses fans qui évoquent avec le plus de ferveur les qualités du Texan. Et pour tout dire, on ne voyait décemment pas ce que ce dernier pouvait faire de plus que son excellent
Asa Breed, pour s'imposer dans un monde qui a souvent choisi depuis cette sortie, de couronner des artistes beaucoup moins inspirés. Pourtant, avec
Black City, son nouvel Lp en date, il va pousser le bouchon encore un peu plus loin dans le qualitatif (excepté un artwork, ma foi, bien laid !).
Plus grave que son prédécesseur - c'est le moins qu'on puisse dire -, cet album marque le retour du sieur
Dear au plus haut niveau. Si on tombe rarement raide dingue d'un disque, on partirait bien en ribouldingue, coupé de tout, avec cette galette sous le bras.
Éloquent, élégant, profond, le co-fondateur de
Ghostly International, qui héberge cette nouvelle mouture, délivre là une démonstration tout à fait singulière : malgré la morosité ambiante, un certain jansénisme sonore peut bizarrement faire du bien. Pas tellement qu'on soit devenu disciple de Sacher-Masoch, mais étrangement, un brin de sobriété, quand le ciel s'appesantit, fournit parfois un exutoire nerveux qui est loin d'être du luxe.
En faisant de l'austérité son cheval de bataille, des ambiances à la froideur redoutable faites d'assonances kraut et new-wave (il faut plonger dans le groove neurasthénique de
You Put A Smell On Me comme dans le bain glacial du plus martial
Soil Seed) les gimmicks d'un disque qu'on peut qualifier de conceptuel,
Matthew Dear dévoile des trésors d'inventivité, notamment dans l'utilisation des filtres sur sa voix, qui plus qu'un cache-misère donne une tout autre dynamique aux morceaux chantés, la majorité en fait. Une ingéniosité doublée d'un raffinement (
Gem, sublime morceau d'ambient anémiée) qu'on ne soupçonnait qu'à peine. Pour au final, une musique plus complexe d'approche qu'il n'y parait (des titres comme
Honey ou
More Surgery nous laisseront d'ailleurs sur le carreau ...pas compris leur utilité). Sobre mais tordue en somme.
Ainsi, ce cher
Dear vous reçoit, sourire en coin, lèvres pincées, sans se vautrer pour autant dans un quant-à-soi rigoriste et noir - un écueil évité avec justesse -, proposant même de vous mettre à l'aise. Et de baisser la lumière pour profiter de la vue. Oui, la ville est si belle à la tombée de la nuit.
Chroniqué par
Yvan
le 14/01/2011