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Richard Skelton

: Landings



sortie : 2010
label : Type Records
style : Drone / Ambient / Neo-Classical

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Tracklist :
01/ Noon Hill Wood
02/ Scar Tissue
03/ Threads Across The River
04/ Green Withins Brook
05/ Of The Last Generation
06/ Undertow
07/ Voice Of The Book
08/ Rapture
09/ Pariah
10/ River Song
11/ Remaindered
12/ The Shape Leaves

Il arrive qu'un disque produise les mêmes effets que les mots d'un ami, qui sans s'en apercevoir, touche en vous un point sensible, sans doute le plus fragile. Une baffe mémorable, un énorme coup de pied au cul. Pour terminer tel un miroir sur lequel vous auriez marché : en mille morceaux, sept ans de malheur sur le dos.
C'est en substance la somme de sensations perçues à l'écoute du Landings de Richard Skelton. Je n'ose imaginer le résultat des opérations si le bouquin - un journal intime tenu par l'artiste - assorti alors à la première édition de l'album, avait fini entre nos mains. La casse a été limitée, dirons-nous.

Difficile en effet de ne pas prendre en pleine pipe ce disque magnifique, tant les révélations qu'il met en exergue nous parle directement.
Bien plus que les différentes pièces de Landings - quatre années de travail où se mêlent field recordings, moments suspendus entre cordes frottées, nappes de drones minimalistes, piano et dulcimer - c'est toute un pan de l'intimité de cet homme qui nous est offert. Un don de soi fulgurant, du moins pour nous, simples auditeurs, vu l'état dans lequel tout ça nous laisse. On s'explique.

Sans voyeurisme, avec humilité et une technicité considérable, le Britannique nous parle à travers son œuvre d'abord de sa relation très spontanée et physique à la nature, mais aussi du manque, de l'absence de l'autre (cet ouvrage serait dédié à Louise sa femme disparue).
Puis très vite, dépassant les histoires personnelles, se révèle à qui sait l'entendre, des réflexions plus générales, sur la précarité de l'existence, sur la nécessité de continuer à s'émouvoir dans un monde uniformisé où l'émotion est devenue une denrée rare. Pas tellement l'aptitude à souffrir, pleurer ou rire, celle-là a ma foi encore de beaux jours devant elle. Mais la capacité d'exaltation, d'excitation non intellectualisée, née d'une introspection sauvage. Quelque chose de l'ordre de l'atavisme, issue du contact avec le vent, la pluie, la lumière ou l'absence de la chaleur d'un corps longtemps côtoyé.

Et ce disque de nous mettre devant ce fait accompli, cette prise de conscience bien trop tardive : être ému c'est en fin de compte recevoir, et ne jamais cesser de le faire. Recevoir de plein fouet ces sensations auxquelles on ne s'attendait pas (ou plus !).
A force d'écoutes, Landings bouleverse par sa beauté mélancolique (Of the Last Generation, à chialer) et surtout nous ramène à un constat frustrant. Il nous rappelle à quel point tout est fait dans nos petits univers étriqués pour nous spolier au plus vite de notre faculté d'émotion. Toute rencontre est prévue, organisée, les rendez-vous bien rangés sur des calendriers, les impromptus au placard, les impressions prédigérées. Charge à chacun, semble-t-il qu'il en va de l'avenir équilibré de nos microcosmes, d'être mentalement clairvoyant, apte à gérer sa vie de façon rationnelle, et de rester viscéralement convaincu qu'il importe peu d'être au final devenu insensible, une espèce de frigide errant, incapable de s'extasier au-delà des prérequis d'une vie en roue libre.

Révélateur de cette position au monde bien décevante, Skelton libère heureusement quelques pistes de salut, du moins sa musique nous montre-t-elle le chemin : plutôt que de célébrer ces pauvres effets produits en nous par l'émoi, quel qu'il soit, louons ce(ux) qui en font le cœur, l'essence, tout ce qui fait que justement l'envie est là, puissante. Ainsi, sans narcissisme ni je pense le moindre calcul, l'artiste nous suggère, à travers chacune de ces compositions, que cet émoi est partie intégrante d'une vie. Qu'elle suive son cours ou qu'elle s'arrête.
Un exemple avec le titre Voice Of The Book, crescendo tendu de bruits métalliques, et son pendant lumineux Threads Across The River. Deux mouvements déchirants qui oscillent précisément entre apaisement et douleur...Une poignée de poussière noire flottant dans un rayon de soleil. L'image ultime en filigrane de cet opus, bien plus riche en enseignements qu'on l'aurait pensé.

Landings est de ces œuvres singulières qui par leur justesse et leur sincérité interpellent et rassurent. Un disque à ce point personnel et généreux, (dans le sens où c'est un long moment d'introspection, un bout de vie qui nous est donné là à écouter), qu'il ne parlerait finalement que de nous. Un paradoxe réjouissant qui nous sauve...Pour l'instant ?


Chroniqué par Yvan
le 27/05/2010

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