Chihei Hatakeyama

"Un disque né d'un désir d'appréhension esthétique d'un lieu et de ses effets sur moi. Un disque qui parle de beauté".

Voilà en substance comment Chihei Hatakeyama définit Saunter , une de ses cinq sorties 2009, avec August chez Under The Spire, The River pour Hibernate, The Secret Distance Of Tochka (magnifique) pour Boid et enfin White Sun chez Taâlem. Un bon stakhanoviste et un disque d'ambient qui n'aura jamais aussi bien porté son étiquette.!

Pour la petite histoire, Saunter ne serait que la conséquence directe du déménagement de l'artiste, de la ville de Fujisawa vers Zenpukuji, quartier situé dans un des arrondissements constituant la ville de Tokyo.
Dès la première écoute, on est comme chamboulé dans nos aprioris. Enregistrée au cœur d'une mégalopole dense et speedée, on imaginait une musique évoluant au diapason. Ce n'est absolument pas le cas.
Laissant la côte Pacifique et la plage de Kugenuma, Chihei s'est en fait installé loin du brouhaha de la cité, dans un appartement - son studio - proche d'un parc arboré et d'une rivière serpentant le long d'une colline verdoyante. Des précisions géographiques importantes pour la compréhension de ce Saunter. En effet, Hatakeyama parle d'une inspiration toute spéciale, quasi mystique, émanant de ce lieu. Pour résumer, celui-ci fut il y a longtemps maintenant, un grand sanctuaire religieux, une sorte de terre sainte. Une influence spirituelle patente dans chaque morceau.

Quel drôle de cheminement tout de même ! Partir guitariste dans un groupe de death-metal pour finir en producteur ambient, contemplatif et habité par l'esprit de ses aïeux comme par la haute littérature japonaise, de Dazai (à l'instar de son compatriote Fjordne) à Natsune. Ainsi, depuis son premier opus, Minima Moralia, il alterne disques solos et ceux de son duo avec Tomoyoshi Date, Opitope, s'enfonçant de plus en plus profondément dans un territoire musical que lui seul connait vraiment.
Sur ces six titres, très peu d'instruments, un piano, des guitares acoustiques et électriques, un vibraphone, aucuns synthés, plus de violons alors bien présents sur son précédent Dedication. Également quelques fields recordings pris en bas de sa rue, toujours au même endroit, méticuleusement, l'un lors d'une journée ensoleillée, l'autre sous la neige. On les retrouvera sur Small Pond et Landscape On A Hill , les deux titres finaux de l'album.

De l'ambient "météorologique" pour ainsi dire ; à laquelle heureusement, s'ajoute une pointe acérée d'émotion, démarquant l'ensemble de la simple bande-son documentaire. Une touche personnelle servie par une technique de création qui sans être originale, constitue une ligne directrice axée sur l'esprit de "déconstruction". Créant des motifs au piano ou à la guitare, il agrémente ces morceaux alors bruts de décoffrage, de quelques effets - delays et drones sommaires - qui en déformant, transformant ces longues phrases, procurent cette sensation d'intimité et donnent à l'ensemble une remarquable fluidité. C'est d'une simplicité biblique,certes, mais c'est efficace.

Chihei Hatakeyama dit préférer l'automne et l'hiver à la chaleur de l'été. Il dit également avoir essayé de mettre l'auditeur dans la situation dans laquelle lui-même s'est retrouvé, seul face à cet "autre endroit".
Le pari est gagné. Il n'aura pas fallu longtemps avant qu'on se retrouve flânant au gré du vent et des flocons, écoutant le clapotis de l'eau en arpentant la colline. Une belle promenade, ma foi!

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