Jori Hulkkonen se fout de la gloire comme de sa première TR-909. Et elle le lui rend bien. Après neuf albums au compteur, tous signés chez
Laurent Garnier,
Errare Machinale Est sorti l'an passé, clôturait l'aventure
F.Communication, le label français mettant la clé sous la porte dans la foulée. Ce genre d'évènement en ferait relativiser plus d'un et filerait un sacré coup au moral à bon nombre d'autres. Que nenni ! Jori s'en balance. Et n'en démordra pas.
Plus de quinze d'activisme derrière lui et malgré quelques déconvenues (l'arrêt de son label
Lumi Records au mitan des années quatre-vingt dix), il y va à son train, continuant de s'extraire du circuit promotionnel classique, avec à la clé la préservation d'un certain anonymat. Une méthode selon lui, qui lui permet de garder intactes toute sa concentration et sa puissance créatrice. Dont acte.
Producteur S.D.F. début 2009, il ne mettra pas longtemps à trouver un nouvel hébergement chez les Canadiens de
Turbo Recordings. Plutôt pourvoyeur d'une techno atmosphérique et soul, on est assez étonné de le retrouver sous la coupe de
Tiga, dans une maison où les basses sont grasses, les danseurs et les danseuses en âge. Une surprise toute relative quand on connait la complicité qui lie ces deux artistes (
Hulkkonen réalisera avec lui le morceau
Sunglasses At Night sous le pseudo
Zynthérius). Et puis on ne peut décemment pas laisser un pote à la rue juste avant l'hiver.
Ces problèmes d'intendance résolus, notre homme se remet à ce qu'il semble chérir par dessus tout : le travail. Pour ce premier essai hors de ses bases -
Man From Earth est son seul album à ce jour non étiqueté
F.Com -
Jori a rassemblé des titres destinés à sortir sur 12". D'où dès le début une légère impression d'éparpillement, un manque de cohérence qui donne la sensation d'écouter une compilation de douze titres plus qu'un album agencé en tant que tel.
Du coup, au fur et à mesure de la découverte, on est comme pris dans un jeu de montagnes russes où, dans les descentes, on frôle parfois l'accident gastrique (sur la plupart des titres chantés, la palme du mauvais goût à
Undercover avec la voix de
The Dove aka
Tiga, ouch !). Heureusement pour tout le monde, sur les hauteurs, l'air est plus frais (le très oldschool
Dancerous, techno synthétique bien rentre dedans) et vivifiant (le génial enchaînement
Ridge Over Troubled Forrester/Musta Gunilla fleurant bon le cambouis de Detroit), la vue y est dégagée (le spatial
My Brother Went to Space...).
Franchement efficace, sans pour autant bouleverser l'ordre établi,
Man From Earth est de ces disques qu'on peut qualifier de laborieux. Non pas qu'il se traîne et manque d'imagination (même si certains titres ont été écrits entre 1991 et 1994). On est encore loin du compte. Mais au sens littéral du terme, voilà un album qui est marqué par une certaine assiduité, une volonté de bien faire, quitte à trimer. Une chose qui caractérise à cent pour cent la démarche de notre Finlandais. Le labeur comme style de vie !
Alors, évidemment c'est pas toujours palpitant, mais c'est du bel ouvrage bien soigné. Ce qui en soi est déjà pas mal, non ?
Chroniqué par
Yvan
le 18/12/2009