Jason Köhnen, plus connu sous le nom de
Bong-Ra, créait la surprise en sortant, en 2006,
The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble. Plutôt habitués à l'entendre déverser dans nos oreilles son "raggacore" tonitruant, on le retrouvait à bidouiller au milieu d'une bande d'instrumentistes. L'expérience fut réitérée un an plus tard, mais cette fois sous le nom de
The Mount Fuji Doomjazz Corporation. La différence entre le Kilimanjaro et le Mont Fuji ? Le nombre d'intervenants. La formation accueillait une chanteuse :
Charlotte Cegarra, un guitariste et, pour la dernière mouture, une violoniste.
The Mount Fuji Doomjazz Corporation avait aussi pour vocation d'être un projet live, là où
The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble restait avant tout un travail de studio.
Le premier album fut baptisé
Doomjazz Future Corpses!. La formation y posait les bases d'une musique obscure, bien plus sombre que celle du
Kilimanjaro Darkjazz Ensemble ; une musique à la frontière du jazz et du drone.
Succubus est leur deuxième essai. Enregistré à Rotterdam en début d'année, il prit la forme d'une illustration musicale des images du film portant le même nom, de Jesús Franco, sorti en 1969. Pour vous situer le personnage, Jesús Franco est un cinéaste qui s'est fait connaître pour la fascination qu'il entretient, à travers ses films, envers le fétichisme et le sadomasochisme. Son œuvre est un mélange de porno et d'horreur dont le budget a souvent été à la mesure de la technique : proche du néant.
En s'offrant pour décor le psychédélisme érotique de Franco,
The Mount Fuji Doomjazz Corporation oriente l'esprit de l'auditeur vers une interprétation toute autre que celle qu'aurait pu laisser leur signature. Oublions la neige, les peaux de bêtes, et les partouzes en mohair. Les rythmiques lancinantes sont celles qui cadencent une séance de torture. Les rondeurs de basse et le trombone charmeur apportent la touche sexuelle. Tandis que
Charlotte Cegarra, dont la voix se perd au loin, devient la complainte lascive d'une masochiste imaginaire.
Dans Succubus, l'héroïne finit par ne plus savoir distinguer le rêve de la réalité. Les effets que
The Mount Fuji Doomjazz Corporation appliquent à leur musique laisse planer ce même parfum d'onirisme. Les instruments disparaissent parfois dans une ambiance qui n'a plus rien de tangible. Leur jazz n'en garde au final qu'une vague texture, mais n'a rien à voir avec la définition que l'on s'en fait d'habitude. Ce qui compte ici, c'est l'atmosphère, pas le jeu des musiciens.
Avec ce deuxième album,
The Mount Fuji Doomjazz Corporation s'impose comme l'un des projets les plus intéressants du moment. Le point de jonction totalement improbable entre deux scènes qui n'ont rien en commun. Et plus si affinités.
Chroniqué par
Tehanor
le 21/08/2009