Amateur d’une musique légère, répétitive et résolument
vintage,
Wooden Shjips propose un parfait mélange entre les
Doors, Yo La Tengo, Can ou
Spacemen 3.
Originaire de la baie de « Frisco » , le groupe ne réinvente pas le genre. Il s’inscrit davantage dans une forme de classicisme. Une voix qui ressuscite celle de
Jim Morrison, et qui rappelle celle
Ira Kaplan, le chanteur et guitariste de
Yo La Tengo. Le tout saturé d’effets (delay, réverbération, tremolo, etc.) qui rendent le chant méconnaissable. Bien loin d’être l’instrument principal, la voix raisonne comme une apostrophe qui se noie dans les nombreuses ritournelles qui composent le répertoire de ce groupe. Une forme empreintée aux années 70 et un fond qui rend hommage à la scène indépendante des années 80 et 90, voici le parti pris de ce groupe qui nous propose aujourd’hui un troisième opus, digne successeur de leur excellent album éponyme (2007) et du second opus
Volume 1 (2008).
Avec
Dos, le groupe réintroduit l’art des ritournelles psychédéliques, dans l’esprit des morceaux de
Yo La Tengo que l’on peut retrouver dans les albums
I Can Hear The Heart Beating As One (
Spec Bebop) ou
Electr-O-Pura (
False Ending). La section rythmique utilisée à son minimum sert l’orgue et la guitare. Ces deux instruments solistes disposent alors d’un véritable boulevard et n’hésitent pas à s’en donner à cœur joie. Place à une guitare survitaminée par divers effets (fuzz, réverberation et delay), qui n’hésite pas faire durer son plaisir dans des plages quasiment interminables (
Down By The Sea). Un bonheur pour les amateurs du genre, un calvaire pour les fans de ruptures et d’une musique marquée par de nombreux mouvements. En effet,
Wooden Shjips ne s’illustre pas par la variété de ces compostions. On retrouve le groupe là où ce dernier nous avait laissé, c’est à dire dans le cadre de très longues plages sonores répétitives aux accents seventies (
Fallin’) ; avec parfois la sensation que la batterie et la basse sont plus que négligées (
Down By The Sea). Mais le groupe introduit dans cet album quelques changements. La basse, toujours aussi répétitive, est plus offensive et la rythmique un peu plus complexe sur un titre comme
For So Long. Les compositions gagnent davantage en fluidité, au profit de titres plus accrocheurs et qui ne donneront plus l’impression que le groupe est victime des dérives liées à l’improvisation (absence de variétés, structure en bernes et absence de synergie au sein du groupe). A ce titre,
Down By The Sea, est une parfaite illustration de cette interactivité. L’orgue, quant à lui, est moins mis en avant de manière systématique. Il officie davantage dans l’ombre pour émerger par touches subtiles ou en pausant des textures. Que les nostalgiques de cet instrument qui imposa le style du groupe se réconforte, le titre de clôture de
Dos fait une large place à ce dernier. Une respiration de plus de dix minutes où l’orgue fait un étalage jubilatoire de son talent.
Qu’on se le dise, ce qui fait la grande force de
Wooden Shjips et qui justifie largement qu’on s’attarde sur ce groupe quasiment inconnu en France, c’est tout simplement le charme et l’énergie qui s’en dégagent. Entre revival
vintage, insouciance et jubilation,
Wooden Shjips propose un
trip hallucinatoire et hypnotique des plus extatiques. Un groupe iconoclaste, qui ne cherche pas à révolutionner le genre dans sa forme, mais plutôt à rétablir un certain retour au source. A l’image du groupe
Earthless, connu pour ses longs
trip de vingt minutes conduit par une guitare des plus offensives,
Wooden Shjips réveille les tripes de son auditeur et réinstalle le psychédélisme dans ses quartiers d’origine : celui d’une musique instinctive marquée par l’absence de concessions.