Mark Nelson n'a pas chômé depuis la mort de
Labradford.
White Bird Release est déjà son sixième opus chez
Kranky. Du post-rock immatériel et rêveur de
Labradford, Mark Nelson n'a gardé que le feeling pour donner à son projet en solo,
Pan American, un son beaucoup plus orienté electronica et ambient minimaliste. Si les albums de Mark Nelson faisaient parfois des merveilles (
The River Made No Sound,
Quiet City), ils avaient globalement tendance à se répéter, malgré leur qualité irréprochable. Sur ce dernier opus, Mark Nelson semble avoir compris que depuis
For Waiting, For Chasing (2006), il lui était nécessaire de franchir un nouveau cap pour ne pas sombrer dans l'inertie et la redite sans âme.
Ainsi, cette nouvelle mouture revient au minimalisme stakhanovistes des débuts. Elle abandonne les glitchs electronica pour un son étonnamment plus brut, plus électrique, quitte à venir titiller par moment la sphère post-rock. Passé le titre d'introduction, très Labradfordien, le nouveau visage de
Pan American se révèle. Une guitare électrique égraine quelques notes éparses soutenues par une section rythmique discrète mais bien présente, une nouveauté pour
Pan American. Plus loin, Nelson nous cueille au son d'un drone grésillant et profond, plus affirmé qu'auparavant, et y va de ses désormais célébrissimes spoken words proches du murmure (
Both Literally And Figuratively).
Le reste de l'album garde la direction, se balançant sur un fil ténu entre instrumentations plus "rock" et mélodies toujours aussi introspectives et irréelles. Malgré ce renouveau de surface, on retrouve tout au long de l'album les traits caractéristiques de la musique de
Pan American : ses climats urbains et noctambules, si propices à accompagner nos insomnies. Et parfois, il faut avouer qu'il passe à côté de sa cible là où, auparavant, il mettait dans le mille. Cet album manquerait-il d'ambition ? Cette reformulation esthétique masquerait-elle de ci de là un certain manque d'inspiration ? Le temps nous le dira sûrement. Paradoxalement, c'est quand il revient, sur
How Much Progress One Makes, aux pulsations électroniques et aux glitchs crépitants, qu'il parvient à réveiller notre intérêt.
Tout cela partait pourtant d'une bonne intention : rendre hommage à l'idéalisme du docteur Robert Goddard. Ce célèbre physicien, dont le rêve était d'atteindre l'espace, contribua à cette vaste entreprise en révolutionnant dans les années 20 le mode de propulsion des premières fusées. La tracklist de
White Bird Release se révèle être un morcellement d'une citation du docteur. Elle confère aux chansons un sens très énigmatique, à l'image de ce que l'on peut ressentir à l'écoute de ce nouvel album.