Nouvelle incarnation de
Mark Pritchard,
Harmonic 313 sort son premier album sur le mythique label
Warp. Impliqué dans de nombreux projets,
Pritchard est un pionnier de l’electro. C’est pourtant dans un registre plus hip-hop que l’on retrouve notre homme en ce début 2009.
When Machines Exceed Human Intelligence commence à peine qu’un dub anxiogène déferle sur l’auditeur. L’air se raréfie, la basse sature et l’humeur s’assombrit...
Cyclotron dévoile le style : un hip-hop lo-fi où les androïdes bougent la tête en cadence, mais dont les cauchemars sont toujours peuplés de moutons électriques. De prime abord, les structures rythmiques et mélodiques peuvent apparaitre simples, évidentes. Mais une écoute plus détaillée révèle des trésors de synthèse sonore. Le style oscille entre formes d’onde primitives et effets métalliques noyés sous les distortions et les bitcrushers.
No Way Out poursuit l’effort : c’est direct et frontal. On participe à une sorte de shoot’em up désenchanté et crépusculaire. Après un court interlude,
Köln et
Galag-a se chargent d'achever toute pensée positive à grands coups de beats acérés. Mais pas question d'en rester là. Mélodie et pads poursuivent leur route au milieu de cette cité imaginaire et inquiétante, jusqu'au repos bien mérité offert par
Word Problems.
Harmonic 313 propose un petite pause ludique dont on peut trouver le prolongement sur le
site consacré à l’album. Il va sans dire que la partie s’achève sur une défaite. Alors qu’on assistait jusqu’à présent à une relecture intéressante du hip-hop par les machines de
Mark Pritchard, le seul morceau où sont invités des rappeurs (
Battlestar) est aussi le moins inspiré. Dommage.
Call To Arms vient vite faire oublier cela. Lorsque le morceau s’ouvre, il nous envoie directement à Compton. Le berceau du G-rap Westcoast est maintenant en ruine et les low riders sont complètement rouillés. On s’attendrait presque à entendre les chœurs du ghetto chanter sur le refrain comme au temps des meilleurs
Warren G ou
Dr Dre. Le voyage continue avec
Flaash, sorte de track acid à l’harmonie 313. Ce n’est pas vraiment convaincant mais on ne décroche pas et la variation est bienvenue.
Don’t Panic répond à
No Way Out en réempruntant aux jeux vidéo leurs sonorités. Le résultat est moins inquiétant mais toujours aussi tourmenté. Notre périple s'interrompt alors au détour d'une vieille radio crachant une mélodie digne d’un
Bonobo, le tout surplombé par une voix humaine et non synthétique. L’enregistrement a souffert : des crissements métalliques et des saturations ont maintenant envahi le son.
Quadrant 3 clôture l’album dans une sombre mélopée aussi belle qu’inquiétante. Le chemin s'achève et le voyageur s’endort, épuisé.
On peut bien sûr s’essayer au name-dropping : ceux qui connaissent
Shelby Cinca,
Gouseion, et bien sûr
Flying Lotus, du même label, ne seront pas dépaysés. Mais le fan de hip-hop bling bling ou celui de trip-hop léché n'y trouveront probablement pas leur compte. Le style est rêche, lo-fi mais reste accessible et musical. Un très bon album donc, et une bonne invitation dans les contrées envoutantes de l’électro-hip-hop.
Chroniqué par
Runciter
le 06/02/2009