Porté par un usage très maîtrisé et très délicat du sampling,
Origamibiro parvient durant les douze titres de ce
Cracked Mirrors And Stopped Clocks à tracer le portrait d'une musique originale en même temps que celui d'un musicien au travail.
Découpe, coupe, colle, assemble, défait et refait, n'oublie rien, mais utilise tout de ce qui a été enregistré et ce, que cela ait été joué ou pas vraiment.
Origamibiro a une approche double de l'instrument principal de ce disque, la guitare. À la fois instrument à part entière et, toujours en même temps, force de production de samples potentiels, source de production et origine des mélodies et des rythmes qui pourront être déformés, reformés pour donner lieu à la trame des pièces à composer.
L'originalité résidant ici dans la manière dont, dans l'usage du sampling, le hasard n'est pas laissé au hasard. Mais plutôt compris comme un paramètre à prendre en compte, à intégrer et à normaliser. Le hasard, ce sera tel frottement sur les cordes, tel coup sur la caisse de la guitare acoustique, tel grincement de chaise. L'usage du sample ne le laisse pas au hasard parce que, sans l'effacer, il ne le laisse pas être lui-même — un événement stochastique —, mais en fait la matière première d'un rythme qui prend forme dans la coupe, la découpe, le filtre, la boucle.
L'originalité résidant aussi moins dans l'invention harmonique des pièces du disque qui, mineure (à deux exceptions près, plus abstraites :
Poised from the bulb et
Unknown in the walls), ne heurte pas, mais au contraire accompagne, met l'audition dans la bonne disposition, allant souvent jusqu'à faire oublier le travail complexe qui préside à l'élaboration.
C'est sans doute entre ces deux degrés d'originalité que se joue l'intérêt de
Cracked Mirrors And Stopped Clocks qui, de fait, n'est pas un ovni, pas une œuvre inclassable et, ce serait alors à craindre : inaudible, mais un disque qui prend, un disque qui fait simplement un usage raisonné et profond de deux instruments de musique (guitare et sampling).
Exemplaires ainsi
Dissect ephemeral et
Vitreous detachment qui superposent des couches sonores, samples de voix ici qui viennent renforcer le rythme dessiné par le bouclage de la mélodie, y mettre quelque accent supplémentaire, sons incongrus comme sauvés de l'oubli de la production et qui là soutiennent l'harmonie du morceau. Deux pièces rythmées par la douceur du hasard et l'intelligence de la fabrication.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 24/01/2009