Minimaliste et répétitif au possible, ce second LP de
My disco est d'une rare beauté brute, sans le moindre artifice, d'une simplicité qui, à la faveur d'un paradoxe à éclaircir, en fait entendre toute la richesse.
Enregistré par Steve Albini — qui œuvre ici d'une main de maître à rendre avec une justesse inouïe tous les accents de la musique de
My disco, la tirant sans lui nuire vers un son à la
Shellac — ce
Paradise s'édifie sur la volonté de supprimer toute mélodie et de ne conserver que le rythme. Et d'œuvrer ainsi à la limite de la musique — comme à la limite de la signification.
À la limite de la musique parce que chaque pièce dans ce dispositif minimaliste se concentre autour d'un noyau de musique, ou s'étire à partir de lui, sans jamais s'en déprendre, sans jamais céder à la tentation de la digression, de l'ornementation — pas même de la variation (
Paradise et ses deux notes paradigmatiques sur un rythme saccadé qui ne l'est pas moins, et qui se résolvent à la fin en une troisième).
À la limite de la signification parce que les textes — quand ils existent — semblent répondre à ce même impératif rigoriste qui veut qu'on ne fasse jamais rien de trop : pas une note, pas un son, pas un mot. Quitte à être tout simplement désopilant, comme lorsqu'on répète ad libitum : "It flew until it fell" (
Land).
Rien de trop dans la configuration du groupe : trois musiciens pour une basse, une batterie, une guitare et une voix. Encore un indice que
My disco est une version de
Shellac. Si l'on veut, on pourra effet comparer
An even sun à une version au tempo accéléré de
Didn't we deserve a look at the way you really are sur l'album
Terraform. Mais, il s'agit d'une version. Pas d'une redite.
Rien de trop, pas même lors de ces passages au cours desquels la guitare donne l'impression de se laisser aller. Lorsqu'elle se fait ainsi bruyante (
/, par exemple), ce n'est jamais en déviant de la trajectoire du rythme qui se répète inlassablement (entendre ici : sans se lasser et sans lasser), mais bien plutôt pour en souligner la rigueur, la rectitude, travailler à son érection, un peu plus durement encore, jusqu'à l'épuisement.
Paradise est ainsi un disque riche de sa brutalité parce que chaque idée y est poursuivie jusqu'à ce qu'il soit impossible d'aller plus avant. Elle est ainsi parfaite d'avoir été répétée, parfaite de ne pas avoir été altérée, mais exposée dans son plus simple appareil jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à en faire.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 17/01/2009