La musique de
Michał Jacaszek a toujours été intimement liée au verbe. Depuis ses premières illustrations de poèmes jusque
Treny il s'est écoulé dix ans ; dix ans pendant lesquels le polonais n'a cessé de multiplier les projets. Qu'il s'agisse de performances live ou d'albums, ceux-ci ont la plupart du temps eu en commun la volonté de conjuguer musique électronique et poésie. Pour
Treny, les vers ont disparu, mais pas le lyrisme ambiant. Fidèle à ses habitudes,
Jacaszek essaie une nouvelle formule, de nouveaux invités. Cette fois viennent se joindre un violoniste, une violoncelliste, et une chanteuse lyrique.
Imaginez donc quelque notes de piano tournant en boucle, un vinyle qui fait du surplace sur fond d'orchestration intimiste au jeu résolument dépressif.
"Je veux créer mon propre langage musical, personnel et reconnaissable" explique
Jacaszek. Pour ce faire, le producteur voit dans la manipulation électronique le moyen d'enrichir les instruments acoustiques traditionnels, et non pas l'inverse, comme c'est souvent le cas. Par manipulation, Jacaszek n'entend pas massacre breakcoreux à la
Venetian Snares (
Rossz Csillag Allat Született), ni déstructurations glitch à la
Murcof (
Martes). Les interventions du bidouilleur se font au contraire discrètes. Elles se limitent généralement à quelques craquements, souffles de vinyles, reverses, échos et, de temps à autres, une timide éructation informatique. C'est donc plus vers les travaux de
Julien Neto ou de
1990 qu'on peut rapprocher
Treny.
Non seulement cet album jouit d'une production irréprochable, mais il plonge son auditeur dans une mélancolie sans pareil.
Jacaszek me rappelle, habitué des musiques électroniques que je suis, à quel point il est finalement si aisé, pour des instruments comme le piano, la harpe ou le violon, de vibrer sur la corde de nos émotions. Inutile d'en ajouter. L'électronique se pose comme une touche délicate à la palette, ni au dessus, ni en deçà des instruments acoustiques. Michał Jacaszek est le quatrième musicien dont la partition se lit en pixels.
Chroniqué par
Tehanor
le 29/12/2008