Il y a des départs longs et tortueux ; d'autres qui fusent comme l'éclair. Celui de David Wang dans la musique fait assurément parti de la première catégorie. C'est sous le pseudonyme de
Mochipet qu'il produit ses premières galettes, et sous le label
Btrendy Records qu'il les grave pour les expédier à ceux qui en font la demande. Le californien ne se prend pas au sérieux. Il pose volontiers en peluche et produit une musique dont il suffit de citer quelques titres pour se faire une idée du contenu :
Polka Electronic Death Country,
The Adventures Of Flamenco Boy,
Barry White vs. The White Stripes vs. White Lion.
Mochipet est adepte du mash-up, cet art qui consiste à mélanger différents titres au sein d'une même bouillie musicale, le plus souvent breakcore.
En 2007, David Wang n'a rien perdu de son côté "fait maison". Il sort
Girls ♥ Breakcore sur
Daly City Records, qui n'est autre que sa maison de production érigée des vestiges de
Btrendy Records. Sous ses airs de grand dinosaure violet,
Mochipet s'attire la sympathie des grands noms de la scène. Ses morceaux se font remixer par
Otto Von Schirach,
Rotator,
Doormouse,
Aaron Spectre,
dDamage,
Eight Frozen Modules.
2008 constitue un tournant décisif. Le californien laisse tomber la colle et les ciseaux pour s'attaquer à un autre type d'ouvrage : la production hip hop.
Mochiphonepet est, nous annonce-t-on, le rassemblement de beats crées par
Mochipet depuis 2003 sur lesquels ont été conviés divers MCs. En réalité, la chose est beaucoup plus compliquée que ça. Si certaines participations paraissent authentiques, il suffit de fouiller un peu pour se rendre compte que d'autres sont tirées de morceaux pré-existants. C'est le cas, par exemple, de
We put it down ou de
Banana Split. Pis encore, certaines pistes combinent les deux à la fois.
Take You Down est le remix du morceau du même nom de
Sindri, sur lequel intervient
Taiwankid, ami de longue date de
Mochipet. David Wang ne fait pas la distinction entre les deux. Pour lui, tout relève du featuring. Il est vrai qu'à l'écoute, on ne saurait faire la différence, mais on peut mettre en doute l'honnêteté du procédé. Entre la participation réelle de l'artiste au processus de création et le collage de sa voix sur un nouvel habillage, l'implication est tout autre.
En résulte donc une étrange compilation, où les vieux briscards côtoient les valeurs montantes. Presque tous sont issus de la scène hip hop californienne, de l'ancienne génération (
Opio et
Casual, des
Hieroglyophics) à la nouvelle (les deux acoyltes de
215 The Freshest Kids). Quelques nouveaux semblent faire leurs premiers pas (
Giant Elephant,
Khem,
Dubphonics, ou
Kflay) alors que d'autres sont déjà habitués à ce genre d'exercice (
Epcot, déjà remarqué pour sa collaboration avec
Tipper).
Mochiphonepet se rapproche de
Certified Air Material, d'
edIT, et surtout de
The Illegal Album, de
Kraddy, ce qui conforte l'impression qu'une nouvelle vague proprement californienne est en train de s'engouffrer dans l'interstice laissé entre le hip hop et l'IDM, déjà creusé quelques années auparavant par
Prefuse 73. Le rapprochement avec
The Illegal Album saute aux yeux. Les deux artistes focalisent leurs efforts sur la voix des MCs ; les deux choisissent le flow de la charmante chanteuse de
Jahcoozi pour en faire un de leurs morceaux les plus intéressants ; les deux sont décomplexés par rapport au peer-to-peer (un des anciens titres de
Mochipet s'appelle
Mochi vs. Soulseek).
Avec cette nouvelle flopée d'artistes, l'image du DJ fouillant les bacs à vinyles périclite face à celle de geek fouillant Soulseek pour y trouver des a capella. La déstructuration des voix à grands coups de scratch laisse place à une déstructuration électronique héritée de l'IDM. La veine abstract hip hop se tarie, tandis que celle du glitch hop ne cesse de gonfler, injectant un peu de sang neuf dans un milieu qui commençait à tourner sur lui-même.
Chroniqué par
Tehanor
le 14/11/2008